L’introuvable recours contre la limitation de brevet

Par un recours contre la décision de l’INPI de limiter le brevet, le présumé contrefacteur peut-il contester la validité du brevet limité ?

Fréquemment la limitation du brevet intervient en cours d’une instance en contrefaçon, quand les arguments opposés à la validité du brevet conduisent le breveté à restreindre son titre. Le contrefacteur dans un tel cas peut-il contester la décision de l’INPI en invoquant des manquements aux conditions de la brevetabilité ?

Avec l’arrêt de la Cour de cassation du 9 janvier 2019, les recours contre une telle décision de l’INPI sont singulièrement limités.

Très brièvement les événements

19 janvier 2000 : dépôt de la demande européenne par G……  sur la base d’une demande française.

G…… assigne A….. en contrefaçon des revendications 1 et 2 de la partie française du brevet européen.

A…… demande la nullité des revendications 1 et 2 du brevet.

13 août 2015 : G …….  présente à l’INPI une requête en limitation du brevet.

1er octobre 2015 : le directeur de l’INPI limite le brevet.

A ….. dépose un recours contre la cette décision.

10 février 2017 : la Cour de Paris rejette ce recours comme irrecevable.

A…… saisit d’un pourvoi la Cour de cassation.

La Cour de cassation rejette ce pourvoi le 9 janvier 2019.

  • La Cour de cassation n’accorde qu’au seul juge judiciaire le contentieux de la validité du brevet, ce qui en exclut la Cour d’appel quand elle est saisie du recours contre une décision de limitation

Mais attendu, en premier lieu, que l’examen des moyens de fond tendant à l’annulation du brevet pour l’une des causes énumérées aux articles L. 612-6, L. 613-24 et R. 613-45 du code de la propriété intellectuelle relevant du pouvoir juridictionnel, non du juge de la légalité de la décision rendue par le directeur général de l’INPI sur une requête en limitation, mais du juge de la validité du brevet, la cour d’appel a exactement retenu que le pouvoir juridictionnel de ce dernier s’étendait aux moyens tirés, non seulement d’une extension ou de l’absence de limitation des revendications, mais également de leur manque de clarté ou de leur absence de support dans la description, ce dont il résultait que le recours était irrecevable ;

  • Ont été rejetés les moyens du pourvoi de A…… qui entendaient soumettre aux règles du procès équitable la décision de l’INPI.

1°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que les exigences du procès équitable concernent toute phase de la procédure pouvant avoir une incidence sur la décision du juge ; que les sociétés A…… contestaient la conformité aux exigences du procès équitable de la procédure de limitation du brevet, lorsqu’elle est mise en oeuvre dans le cadre de l’action en annulation du brevet, en application des articles L. 613-25 et L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle ; qu’en énonçant que la procédure de limitation du brevet ne pouvait être soumise aux exigences du procès équitable dès lors que l’INPI n’est pas un organe juridictionnel, mais un établissement public, et que les décisions de son directeur général sont des actes administratifs individuels, bien que la décision du directeur général de l’INPI acceptant la limitation rétroagisse à la date du dépôt de la demande de brevet et que le brevet ainsi limité devienne le nouvel objet de l’action en nullité pendante, la cour d’appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne vise pas à garantir des droits théoriques ou illusoires, mais des droits concrets et effectifs ; que la requête par laquelle le titulaire d’un brevet sollicite sa limitation auprès du directeur général de l’INPI n’est pas publiée, en sorte que les tiers n’en sont pas informés ; que, par ailleurs, le directeur général de l’INPI saisi d’une requête en limitation d’un brevet n’est pas informé de l’existence d’une éventuelle action en annulation ; qu’enfin, le juge saisi de l’action en annulation du brevet n’est pas tenu de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue du recours contre la décision du directeur général de l’INPI ; qu’en se bornant à énoncer, pour affirmer que les garanties du procès équitable étaient assurées, que les tiers sont admis à présenter des observations devant le directeur général de l’INPI et qu’ils disposent de voies de recours contre la décision acceptant la limitation, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l’effectivité, pour les tiers auxquels la limitation du brevet fait grief, de l’exercice de la contradiction et des voies de recours, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 6, §1, du texte précité ;