L’INPI a-t-il besoin d’un avocat ?

Non, répondent trop rapidement les praticiens des recours devant les cours d’appel en annulation des décisions de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle.  

De quels recours est-il question ?

Ceux contre les décisions prévues à l’article L411-4 du code de la propriété intellectuelle :

Le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle prend les décisions prévues par le présent code à l’occasion de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle, ainsi qu’à l’occasion de l’homologation, du rejet ou de la modification du cahier des charges des indications géographiques définies à l’article L. 721-2 ou du retrait de cette homologation.

Il statue sur les demandes en nullité ou en déchéance de marques et sur les oppositions formées à l’encontre des brevets d’invention, mentionnées au 2° de l’article L. 411-1. Les recours exercés contre ces décisions sont suspensifs

Dans l’exercice de ces compétences, il n’est pas soumis à l’autorité de tutelle. Les cours d’appel désignées par voie réglementaire connaissent directement des recours formés contre ses décisions.

Le pourvoi en cassation contre les décisions des cours d’appel statuant sur ces recours est ouvert aux parties et au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle.

Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions d’application du présent article.

A combiner  avec l’article R411-19 :

Les recours exercés à l’encontre des décisions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 411-4 sont des recours en annulation.

Les recours exercés à l’encontre des décisions mentionnées au deuxième alinéa du même article L. 411-4 sont des recours en réformation. Ils défèrent à la cour la connaissance de l’entier litige. La cour statue en fait et en droit.

Mais cette énumération couvre-t-elle toutes les décisions de l’INPI ? Rien n’est moins sûr, l’INPI ayant vu ses missions élargies ces dernières années.

Et à la suite de ces réformes, deux articles du CPI ont été modifiés.

R411-22

Les parties sont tenues de constituer avocat.

La constitution de l’avocat emporte élection de domicile.

R411-23

L’Institut national de la propriété industrielle n’est pas partie à l’instance.

…….

L’arrêt du 27 octobre 2023, par lequel la Cour de Paris  sollicite l’avis de la Cour de cassation est de la plus haute importance sur l’intervention ou non de l’avocat, et sur les règles de procédures à appliquer.

Les circonstances de l’affaire.

Une demande de brevet est déposée, l’INPI informe le déposant d’objections susceptibles de rejeter sa demande, le déposant maintient ses revendications, l’INPI notifie à la fois un projet de décision de rejet et informe le déposant de la prochaine publication de sa demande et …:

– 17 mars 2021, le déposant demande à l’INPI s’oppose à cette publication.

– 8 avril 2021, l’INPI refuse de faire droit à cette demande.

– 1er juin 2021, le déposant demande à l’INPI réparation de son préjudice allégué du fait de la publication

 – 18 octobre 2021, le déposant assigne l’INPI devant la Cour d’appel de Paris « en indemnisation de son préjudice subi du fait de la publication estimée fautive de sa demande de brevet ».

– 29 avril 2022, le mémoire et les pièces de l’INPI sont reçus au greffe de la cour mais sans que l’INPI n’ait pris d’avocat.

Ce qui dit la Cour de Paris

  • Après le rappel des décisions sur le bloc de compétence

La compétence de la cour d’appel pour connaître des actions en responsabilité contre l’INPI, au regard du bloc homogène de compétence judiciaire pour l’ensemble des contestations liées aux décisions prévues par l’article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, a été régulièrement rappelée par les cours d’appel saisies et par la Cour de cassation qui a en outre jugé, par un arrêt du 13 novembre 2016, que la compétence de la cour d’appel s’exerçait en premier et dernier ressort.

  • Sur la présence de l’avocat

Lors des précédentes procédures, la question de l’obligation de l’INPI de constituer avocat pour défendre n’a pas été posée, étant précisé qu’il apparaît que l’INPI avait alors fait le choix de constituer avocat, ce qui n’est pas le cas dans le cadre de la présente instance.

Les questions de la représentation obligatoire par avocat de l’INPI et de son obligation, sous peine de caducité ou d’irrecevabilité, de respecter des délais impératifs de procédure, notamment pour présenter une défense à l’assignation, sont des questions nouvelles de droit procédural et présentent une difficulté sérieuse.

Ces questions procédurales ne sont pas résolues et se posent ou vont se poser dans de nombreux litiges d’autant que les missions de l’INPI ont été élargies par l’article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue des ordonnances n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 et n° 2020-116 du 12 février 2020.

La Cour sollicite l’avis de la Cour de cassation sur les questions de droit :

– Lors d’une procédure visant à mettre en cause la responsabilité de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) et obtenir sa condamnation à paiement de dommages et intérêts dont est saisie par assignation la cour d’appel en vertu du bloc homogène de compétence judiciaire pour l’ensemble des contestations liées aux décisions du directeur général de l’INPI prévues par l’article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, l’INPI est-il tenu de constituer un avocat pour le représenter ou peut-il se défendre seul par l’envoi d’un mémoire et par des observations orales à l’audience »

– Existe-il des délais impératifs de procédure, notamment pour présenter une défense à l’assignation ainsi délivrée et pour répliquer à une éventuelle demande reconventionnelle, et quelles sont les sanctions applicables au non-respect de ces éventuels délais »