Compétence de la Cour de Besançon pour apprécier la validité d’une demande de brevet lors d’un conflit contractuel

Le contentieux de la validité des brevets appartient aux juridictions parisiennes, mais cette règle s’applique-t-elle au contentieux contractuel quand une partie met en cause la validité du titre ?A lire son arrêt du 16 janvier 2013, la Cour de Besançon aurait bien aimé que cette question lui soit posée.

28 février 2001 : dépôt à l’INPI d’une demande de brevet sur « unité légère mobile pour déplacement individuel propulsée par le mouvement des jambes », à savoir une sorte de trottinette pliable équipée d’une selle.

26 septembre 2001 : B…..  et L……..  vendent à G…….  et à la SARL CHAMPIED la demande de brevet. G…. et la SARL CHAMPIED versent  « 18 182,90 € à titre d’acompte sur le prix de cession ». L’acte prévoit que « la cession serait caduque et l’acompte remboursé en cas de rejet de la demande de brevet ou de mention d’opposabilité faisant obstacle à la brevetabilité, prouvée par les tribunaux ».

7 février 2002 : notification du rapport de recherche préliminaire.

L……  répond à cette notification

31 octobre 2003 :  l’INPI notifie la déchéance des droits pour absence de paiement de « la troisième annuité » nous apprend également l’arrêt.

G ….. et la SARL CHAMPIED assignent  B…… et L……… en résolution de la vente et remboursement du prix.

8 mars 2006 : le TGI de DOLE prononce la résolution du contrat, condamne les cédants à rembourser la somme déjà perçue.

6 avril 2006 : appel à Besançon par B…… et par L…….

  • La compétence de la Cour de Besançon

Par arrêt en date du 15 décembre 2010, la Cour a invité les parties à s’expliquer sur la compétence de la cour d’appel de BESANÇON au regard des dispositions des articles L 615-17 et D 211-6 du code de l’organisation judiciaire.

Attendu qu’en vertu des articles L 615-17 et D 211-6 du code de l’organisation judiciaire, les demandes relatives aux brevets d’invention sont exclusivement portées devant le tribunal de grande instance de PARIS ; qu’en appel, seule la cour d’appel de PARIS est donc compétente pour en connaître ;

Attendu toutefois que les appelants ont renoncé à l’exception d’incompétence qu’ils avaient soulevées en faveur de la cour d’appel de PARIS, et à laquelle les intimés s’opposent ;

Attendu que, s’agissant d’une compétence d’attribution en faveur d’une juridiction ni répressive, ni administrative, ni étrangère, la présente cour d’appel ne peut, en application de l’article 92, alinéa  deux, du code de procédure civile, prononcer d’office son incompétence ;

  • Résolution du contrat ou nullité du contrat ?

Attendu que le prononcé éventuel de la résolution ou de la caducité du contrat suppose que celui-ci ait été valablement conclu ; qu’il convient donc d’examiner en premier lieu la question de la nullité du contrat pour absence d’objet, soulevée en cause d’appel par les intimés ;

Attendu que, s’agissant de la cession d’un brevet qui faisait l’objet d’une demande en cours d’examen par l’INPI, le contrat est nul s’il est établi que le brevet ne pouvait être obtenu ;

Or attendu que les intimés démontrent que l’invention n’était pas nouvelle, puisqu’elle avait été divulguée antérieurement à la demande de brevet déposée le 28 février 2001 ;

Attendu en effet qu’ils produisent un article paru le quotidien ‘Le Progrès’ du 13 janvier 2001, présentant le ‘top racer’, trottinette avec siège inventée par C…..B…….;

Attendu que, selon ce dernier, le ‘top racer’ était une invention différente de la ‘duette’, ayant fait l’objet d’une demande de brevet antérieure, déposée en novembre 2000 ; que, toutefois, il ne justifie nullement de cette précédente demande de brevet ; qu’en outre, il apparaît, au vu de la photographie illustrant l’article de presse précité, que le ‘top racer’ était le même concept que la ‘duette’ ayant fait l’objet de la demande de brevet du 28 février 2001, même s’il pouvait exister des différences de détail entre les deux ;

Attendu par ailleurs qu’il résulte d’un courrier adressé le 23 février 2001 à B……….. par la société S…….. , fabricant de skis, que le ‘top racer’ lui avait été présenté le 21 février 2001 ;

Attendu, au surplus, que l’examen des documents considérés comme pertinents, joints au rapport de recherche préliminaire de l’INPI, révèle que l’invention n’était pas nouvelle ; qu’en effet, au moins le document 37 20 368 A du 5 janvier 1989 concernait une trottinette pliable avec selle de conception identique ;

Attendu enfin que B………  lui même a reconnu que son invention n’était pas brevetable ; que, dans un écrit du 26 février 2002, il qualifiait la duette de ‘bide ruineux’ ; qu’à plusieurs reprises, notamment par courriers des 15 septembre 2002 et 16 août 2003, antérieurs à la notification de déchéance de la demande de brevet en date du 31 octobre 2003, il s’était engagé à rembourser aux acquéreurs du brevet la somme versée par eux à titre d’acompte ;

Attendu qu’il apparaît ainsi clairement que les parties avaient considéré que le brevet ne pouvait être obtenu, raison pour laquelle ni l’une ni l’autre ne se sont acquittées envers l’INPI de la modique somme de 25 € correspondant à la troisième annuité exigée pour le maintien des droits attachés à la demande de brevet ;

Attendu qu’il convient donc de prononcer la nullité de l’acte de cession du 26 septembre 2001, de réformer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la résolution du contrat, et de le confirmer en ce qu’il a condamné B…… et L…… à restituer la somme de 18 182,90 € versée par les acquéreurs à titre d’acompte ;