L’INPI est totalement privé du double degré de juridiction pour les contentieux en responsabilité initiés par l’auteur d’un recours ou par un tiers

L’arrêt du 11 mars 2014 de la Cour de cassation avait ouvert un nouveau contentieux en responsabilité contre l’INPI. Ce blog en avait parlé, c’est ici.

La Cour de Paris par son arrêt du 26 mai 2015 suit la Cour de cassation et rejette la position de l’INPI qui a tenté de limiter le périmètre de cette nouvelle action en responsabilité.

  • Les principaux éléments de la thèse avancée par l’INPI

…….qu’il [INPI ] estime ne pas découler des arrêts rendus en 1997 par la Cour de cassation et en 2000 par le Tribunal des conflits ; qu’il soutient que l’étendue du transfert de compétence opéré par l’article L411-4 du code de la propriété intellectuelle devant être apprécié strictement, la compétence de la cour d’appel est et doit rester limitée aux conséquences dommageables résultant, pour l’auteur du recours, d’une décision du directeur de l’INPI relative à la délivrance, au rejet ou au maintien d’un titre ; que, selon lui, l’objectif de ce transfert de compétence est d’éviter au justiciable, auteur d’un recours contre une décision du directeur de l’INPI, la contrainte de multiples recours relevant d’ordres juridictionnels différents et de lui permettre de faire valoir le préjudice résultant de la décision contestée devant la même juridiction dans le cadre d’une seule et même instance et qu’il ne saurait donc être étendu à la réclamation d’un tiers, formée hors cadre d’un recours contre une décision du directeur de l’INPI ;

  • La Cour de Paris se reconnaît une compétence étendue

Considérant que c’est dans la continuité d’une tradition qui soumet au juge civil la matière des brevets que les dispositions de l’article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, qui sont dérogatoires au principe de la séparation des pouvoirs et de la dualité des ordres juridictionnels, opèrent un transfert de compétence au bénéfice de la juridiction judiciaire pour statuer sur les recours en annulation formés contre les décisions prises par le directeur de l’INPI dans l’exercice de ses pouvoirs en matière de délivrance, de rejet ou de maintien des titres de propriété industrielle ; que le Tribunal des conflits a étendu la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour statuer sur les recours contre les décisions du directeur de l’INPI en cette matière aux actions relatives aux conséquences dommageables des fautes qu’il aurait pu commettre à l’occasion de l’exercice de ses attributions ; que, sauf à instituer une rupture d’égalité entre les justiciables et à contrevenir à la logique d’un bloc homogène de compétence judiciaire pour l’ensemble des contestations liées aux décisions prévues à l’article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, il n’y a pas lieu de distinguer à cet égard selon l’auteur de l’action en responsabilité et en conséquence selon que l’action en responsabilité est engagée par l’auteur du recours en annulation, accessoirement à ce recours, ou par un tiers, indépendamment de toute contestation de la décision faisant grief ; qu’il convient donc de retenir la compétence de l’ordre judiciaire et, précisément, par application des dispositions combinées des articles L411-4 et D411-19-1, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle, de la cour d’appel de Paris, pour connaître directement de l’action en responsabilité initiée par les sociétés Mylan et Qualimed à l’encontre de l’INPI à raison des décisions de son directeur relativement au maintien du CCP n°92 C 0224 ;

  • Sur la privation au préjudice de l’INPI du double degré de juridiction

Que l’INPI n’est pas davantage fondé à se prévaloir d’une atteinte au principe du double double degré de juridiction qui n’est ni consacré à titre de principe général du droit de valeur constitutionnelle ni exigé par le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ne s’impose pas au législateur qui peut y déroger par des dispositions expresses telles que celles édictées à l’article L411-4 du code de la propriété intellectuelle qui confèrent à la cour d’appel une compétence en premier et en dernier ressort ;