La révélation d’un accord de confidentialité constitue-t-elle un manquement à l’obligation de confidentialité ?

Souvent pour préparer leurs négociations, les parties mettent en place un accord de confidentialité, mais révéler l’existence de cet accord de confidentialité et son contexte constituent-t-ils des manquements à la confidentialité contractuelle ?

L’arrêt rendu le 29 avril 2014 par la Cour de Paris qui confirme l’ordonnance du Tribunal de commerce, mérite d’être signalé. Ces deux décisions sont intervenues en référé.

  • Les dispositions contractuelles relatives à la confidentialité

Considérant que le préambule de l’accord [de confidentialité ] indique que : ‘ les parties souhaitent protéger et préserver de manière réciproque toutes les informations qu’elles pourraient se communiquer au cours des Discussions et désirent garder de telles informations confidentielles » ,

Considérant que l’article 1 de l’accord de confidentialité définit les ‘informations confidentielles’ comme suit : « toute information de quelque nature que ce soit (y compris, notamment, les informations commerciales, business plans, données techniques, analyses de marché, spécifications techniques et/ou fonctionnelles, données de recherche et de développement, informations financières, légales, fiscales, opérationnelles, protégées ou non par des droits de propriété intellectuelle) relative aux affaires passées, actuelles ou futures, sous quelque forme que ce soit (orale, visuelle ou écrite), qu’elle soit ou non enregistrée sur quelque support que ce soit, qui n’est pas connue du public, et qui est communiquée par ou pour le compte d’une Partie [‘] à l’autre Partie ou à tout successeur, Représentant, Filiale ou bénéficiaire [‘] dans le cadre des Discussions » ;

Considérant que l’article 2, intitulé ‘RESTRICTION D’USAGE ET DIVULGATION ‘ précise que :

2.1 Chaque Partie, en tant que Partie Récipiendaire, déclare, garantit et accepte, pour une durée de cinq (5) ans suivant la réception d’Informations Confidentielles :

a. de ne pas divulguer, rendre publiques ou promouvoir, de quelque manière que ce soit, les Informations Confidentielles ou toute partie de ces Informations à des tiers

5d. d’utiliser l’une quelconque des Informations Confidentielles de la Partie Divulgatrice dans le seul but de participer aux Discussions et d’évaluer une éventuelle relation d’affaires avec l’autre Partie ou ses Filiales ;

[‘]

e. de garder strictement confidentielles l’une quelconque des Informations Confidentielles divulguées par l’autre Partie et le présent Accord, et de protéger et préserver lesdites informations Confidentielles de la même manière qu’elle protège et préserve ses propres informations confidentielles et, dans tous les cas, de prendre toutes les précautions raisonnables pour permettre une conservation sécurisée des Informations Confidentielles. [‘]»;

  • L’arrêt examine ensuite la publication litigieuse intervenue sur un site internet.

Différents passages de cet article sont cités à l’arrêt, retenons de ceux-ci les lignes litigieuses sur la confidentialité ( d’autres griefs non traités ici étaient dirigés également contre cet article)

….. dit qu‘elle a été jusqu’à entamer des négociations pour une licence concernant le service à ……, discussions qui ont été interrompues alors qu’elles étaient à un stade avancé, les deux parties n’étant pas parvenues à un accord concernant l’exclusivité ‘ ….. avait déjà été en contact avec un autre opérateur de premier plan et …… voulait donc s’assurer que la licence pourrait lui bénéficier en exclusivité.

L’histoire, en résumé, doit sembler familière à bien des fondateurs de start-up. Une société bien plus importante entend parler d’une bonne idée que la start-up a eue et prend contact. Les deux sociétés signent un accord de confidentialité, entament des discussions à propos de partenariats et services,et puis l’opération n’aboutit pas.

Cela arrive. Cela peut potentiellement ressembler, si cela s’avère exact, à un scénario cauchemar ‘ la société la plus importante a continué avec l’idée de la startup mais sans l’impliquer du tout.

Goliath continue la partie. David est mis sur la touche.»

Considérant qu’en ce qui concerne le trouble manifestement illicite qui découlerait, selon  l’appelante, de la violation de l’accord de confidentialité conclu, il ne ressort pas, avec l’évidence requise en référé, de la lecture des dispositions contractuelles dudit accord, et notamment de la définition retenue par les parties des ‘informations confidentielles’, que la seule évocation de l’existence de l’accord, que révèle effectivement l’article publié sur le site, serait de nature à caractériser la violation alléguée ;

Que l’interprétation desdites clauses contractuelles, dès lors nécessaire à la définition du champ de la confidentialité, relève du seul juge du fond, comme l’a à juste titre retenu le premier juge ;

….

Qu’ainsi, l’appelante ne rapporte pas la preuve devant le juge de l’évidence qu’est le juge des référés de la violation manifeste par la société de l’accord de confidentialité conclu entre les parties et partant, l’existence d’un trouble manifestement illicite de ce fait ;