Vite un avis de la Cour de Cassation pour indiquer aux avocats et aux juges quelle cour d’appel est compétente en matière de contrefaçon de brevet !

Le Décret n°2009-1205 du 9 octobre 2009 – art. 2 a attribué aux juridictions parisiennes le contentieux de la contrefaçon de brevet.  Quelle cour d’appel est compétente quand le tribunal saisi avant ce décret est une juridiction de province, sa cour d’appel naturelle ou celle de Paris ?

Qui interrogera pour avis la Cour de Cassation ? Dans un délai de 3 mois,  nous serions fixés. Cet avis éviterait des difficultés (pour les avocats ?) comme celles relatées par la Cour de Toulouse dans son arrêt du 2 mai 2012.Brièvement le contexte : La société SA ETABLISSEMENTS PIERRE GREHAL ET COMPAGNIE a fait assigner respectivement la société FMP BATIMENT et la société DARAL en contrefaçon de son brevet français.  Le jugement du 21 janvier 2010 du tribunal de grande instance de Toulouse retient la contrefaçon et des actes de concurrence déloyale.

Les extraits cités ci-dessous se limitent à la détermination de la cour d’appel…..

  • Sur la recevabilité de l’appel de la SA ETABLISSEMENTS PIERRE GREHAL ET COMPAGNIE soulevée par la SA AKIFIX SPA et par la SARL FMP BAT :

La SA AKIFIX SPA soulève l’irrecevabilité de l’appel devant la cour d’appel de Toulouse et se borne à dire cette dernière dépourvue de tout pouvoir juridictionnel au visa des articles D 211-6 et R 311-3 du code de l’organisation judiciaire sans préciser dans ses conclusions quelle était la cour d’appel compétente. Peu convaincue de l’incompétence territoriale désormais soulevée, elle a signifié à la SA ETABLISSEMENTS PIERRE GREHAL ET COMPAGNIE, à trois reprises, entre le 24 juin 2010 et le 8 février 2011, le jugement du TGI de Toulouse du 21 janvier 2010 en précisant dans chacune des significations une juridiction d’appel différente : Toulouse, Bordeaux et Paris. En entretenant ainsi une confusion dans l’esprit de la SA ETABLISSEMENTS PIERRE GREHAL ET COMPAGNIE, la SA AKIFIX SPA ne saurait tirer parti de l’exception soulevée alors qu’elle a elle-même désigné la cour d’appel de Toulouse dans la première signification sans procéder à son annulation dans les deux autres significations suivantes du jugement ; ce comportement est source d’erreurs et contraire aux droits de la défense et au principe de loyauté devant gouverner une procédure civile.

La SARL FMP BAT soulève l’irrecevabilité de l’appel après avoir désigné la cour d’appel de Bordeaux comme seule compétente au visa des mêmes textes.

Enfin, la SA ETABLISSEMENTS PIERRE GREHAL ET COMPAGNIE, qui a relevé appel du même jugement le 22 avril 2010 devant la cour d’appel de Toulouse, puis devant la cour d’appel de Paris le 2 mars 2011 après avoir reçu les trois significations précitées du jugement de la part de la SA AKIFIX SPA, sollicite au principal le renvoi devant la cour d’appel de Paris au visa de l’article 101 du code de procédure civile.

Si le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Toulouse a rejeté par ordonnance du 14 février 2011 l’exception d’irrecevabilité soulevée au visa de l’article 911 du code de procédure civile issu de sa rédaction antérieure au décret du 28 décembre 2010 par la SA AKIFIX SPA, la question de l’irrecevabilité de l’appel peut être de nouveau soumise aux juges du fond.

En effet, d’une part, les dispositions de l’article 914 du code civil dans leur rédaction issue du décret n°2010-1647 du 28 décembre 2010 et conformément à l’article 15 alinéa 2 du décret 2009-1524 du 9 décembre 2009 modifié ne sont applicables qu’aux instances d’appel ouvertes après son entrée en vigueur, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

D’autre part, en application de l’article 775 du code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas au principal l’autorité de la chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance ; la cour demeure donc compétente pour statuer sur l’irrecevabilité de l’appel en dépit de l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 février 2011.

La question soulevée porte sur la compétence de la cour d’appel de Toulouse à connaître du litige à la suite des décrets de compétence intervenus en octobre 2009 en matière de brevet d’invention.

Il est constant que le litige dont est saisie la cour porte sur une action en contrefaçon de brevet et de concurrence déloyale et aucune des parties ne sollicite le partage du litige et le renvoi partiel de l’affaire en fonction des demandes présentées.

Il résulte de l’article D211-6 du code d’organisation judiciaire issu du décret n°2009-1205 du 9 octobre 2009 en vigueur au 1er novembre 2009 qu’après cette dernière date, le tribunal de grande instance ayant compétence exclusive pour connaître des actions en matière de brevets d’invention, de certificats d’utilité etc. est celui de Paris.

Il est conforme à l’article D 631-2 du code de la propriété industrielle qui, concernant les actions en matière de brevet d’invention prévues à l’article L 611-2 du code de la propriété intellectuelle, renvoie à l’article D211-6 du code de l’organisation judiciaire. Contrairement aux affirmations de la SARL FMP BAT, ce n’est donc pas l’article D211-6-1 du code de l’organisation judiciaire qui s’applique ni la cour d’appel de Bordeaux qui serait compétente au présent litige.

Par ailleurs le décret n° 2009-1205 du 9 octobre 2009 prévoit en son article 8 : « la juridiction saisie demeure compétente pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date d’entrée en vigueur au présent décret. »

L’action ayant été diligentée par la SA ETABLISSEMENTS PIERRE GREHAL ET COMPAGNIE les 30 juillet et 24 novembre 2004, le tribunal de grande instance de Toulouse était seul compétent pour en connaître au 1er novembre 2009, date d’entrée en vigueur du décret de compétence précité en matière de brevet d’invention.

Le jugement a été rendu le 21 janvier 2010 et, dès le 22 avril 2010, la SA ETABLISSEMENTS PIERRE GREHAL ET COMPAGNIE a ouvert l’instance d’appel par déclaration d’appel du 22 avril 2010 devant la cour d’appel de Toulouse.

En application des articles D311-3 et R311-3 du code de l’organisation judiciaire, la cour d’appel de Toulouse est compétente pour examiner l’appel du jugement du TGI de Toulouse, juridiction compétente pour statuer en première instance ; en effet, à défaut de dispositions particulières nouvelles modifiant la compétence de la cour d’appel en matière de brevet d’invention, la cour d’appel connaît de l’appel des jugements des juridictions situées dans son ressort.

L’appel de la SA ETABLISSEMENTS PIERRE GREHAL ET COMPAGNIE formé le 22 avril 2010 devant la cour d’appel de Toulouse est donc recevable.

  • – Sur la demande de renvoi sur la cour d’appel de Paris :

La SA AKIFIX SPA est mal venue d’invoquer l’article 771 du code de procédure civile en matière de procédure de mise en état qui ne s’applique pas devant la cour d’appel ainsi que les dispositions de l’article 74 dudit code alors qu’elle n’a elle-même signifié le jugement avec mention de la cour d’appel de Paris que le 8 février 2011 alors que les parties avaient dores et déjà conclu.

Par ailleurs, il convient de constater que les critères de l’article 101 du code de procédure civile ne sont pas remplis en l’espèce puisqu’il s’agit de la même affaire portée devant la juridiction d’appel toulousaine et devant la juridiction parisienne.

Par ailleurs, les dispositions de l’article 100 dudit code ne sont pas davantage applicables car s’il s’agit du même litige pendant devant deux juridictions de même degré, les deux cour d’appel ne sont pas également compétentes pour en connaître et en outre ce texte prévoit uniquement le dessaisissement de la seconde juridiction saisie au profit de la première. En l’espèce, seule la juridiction parisienne devrait se dessaisir au profit de la juridiction toulousaine. Il convient de débouter la SA ETABLISSEMENTS PIERRE GREHAL ET COMPAGNIE de sa demande de renvoi de l’affaire devant la cour d’appel de Paris.

  • – Sur la demande d’annulation des significations du jugement par la SA AKIFIX SPA des 24 juin 2010 et 20 juillet 2010 au visa des articles 680 et 693 du code de procédure civile :

La signification d’un jugement, outre qu’elle fait courir des délais de recours, génère nécessairement des frais dont les parties peuvent éventuellement en demander remboursement ; elle fait donc nécessairement grief et la SA ETABLISSEMENTS PIERRE GREHAL ET COMPAGNIE est légitime à en demander l’annulation quand elle n’a pas été régulièrement formée ou exécutée au sens des articles 680 et 693 du code de procédure civile les règle prescrites étant exigées à peine de nullité.

La première signification critiquée était régulière puisqu’elle visait, à bon droit, la cour La première signification critiquée était régulière puisqu’elle visait, à bon droit, la cour d’appel de Toulouse comme juridiction d’appel, elle ne peut donc être annulée de ce seul chef.

En revanche, la signification du 20 juillet 2010 visait la cour d’appel de Bordeaux qui n’était pas la juridiction compétente au visa des règles de compétence de la juridiction de premier degré et notamment de l’article D211-6 et non de l’article D211-6-1 du code de l’organisation judiciaire.

Cette signification du 20 juillet 2010 doit être annulée.

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