La limitation d’un brevet européen peut-elle ne viser que sa partie française et être présentée devant l’INPI ?

Le propriétaire du brevet peut-il limiter  uniquement la partie française du brevet européen, en saisissant l’INPI ou bien doit-il retourner devant l’OEB quitte alors à ce que la limitation porte sur tous les brevets nationaux issus de cette demande européenne ?


Cette question a été soumise à la Cour de Paris qui y a répondu par son arrêt du 1er juillet 2011.

Rappelons la chronologie de la procédure.

2 mai 1997 : délivrance du brevet européen « Améliorations reliées aux benzothiopènes ». Eli Lilly est le titulaire.

30 juillet 2009 : assignation devant le TGI de Paris en nullité de la partie française du brevet de Eli Lilly par Teva ( Teva Pharmaceutical Industries et sa filiale française la société Teva Santé)

20 avril 2010 : Eli Lilly demande à l’INPI la limitation de la partie française du brevet.

6 mai 2010 : l’INPI limite le brevet : les revendications 15 et 16 sont supprimées, la revendication 17 devient la 15.

11 juin 2010 : publication au RNB de la décision de l’INPI

D’où le recours de TEVA  devant la Cour de Paris pour demander l’annulation de la décision de l’INPI et l’inscription de celle-ci au RNB.

Parmi les moyens invoqués par TEVA : L613-24 est inapplicable pour procéder à la limitation d’un brevet européen

Pour reconnaître à l’INPI la possibilité de limiter la seule partie française du brevet européen, la Cour de Paris répond également sur l’article L 613-24 qui :

  • pose un principe général,  le droit à limitation peut être exercé à tout moment,
  • et prévoit l’application de ce principe général aux actions en nullité du brevet européen par renvoi à l’article L 614-12

A sa lecture, la Cour considère que :

  • rien n’oblige le titulaire du brevet à restreindre son brevet pour l’ensemble des pays désignés,
  • L614-12 n’a pas exclu la compétence de l’INPI.

A noter que cette question essentielle a été examinée par la Cour de manière surabondante, puisqu’elle a rejeté le recours de TEVA pour défaut d’intérêt à agir, l’essentiel des arguments avancés par TEVA ayant été analysés par la Cour comme des moyens de nullité du brevet, dont le Tribunal était saisi, et qui ne trouvaient donc pas leur place dans ce contentieux de la validité d’une décision administrative.

Trois articles du Code de la Propriété Intellectuelle ont été cités :

  • Article L613-24

Le propriétaire du brevet peut à tout moment soit renoncer à la totalité du brevet ou à une ou plusieurs revendications, soit limiter la portée du brevet en modifiant une ou plusieurs revendications.

La requête en renonciation ou en limitation est présentée auprès de l’Institut national de la propriété industrielle dans des conditions fixées par voie réglementaire.

Le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle examine la conformité de la requête avec les dispositions réglementaires mentionnées à l’alinéa précédent.

Les effets de la renonciation ou de la limitation rétroagissent à la date du dépôt de la demande de brevet.

Les deuxième et troisième alinéas s’appliquent aux limitations effectuées en application des articles L. 613-25 et L. 614-12.

  • Article L613-25

Le brevet est déclaré nul par décision de justice :

a) Si son objet n’est pas brevetable aux termes des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19 ;

b) S’il n’expose pas l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter ;

c) Si son objet s’étend au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d’une demande divisionnaire, si son objet s’étend au-delà du contenu de la demande initiale telle qu’elle a été déposée ;

d) Si, après limitation, l’étendue de la protection conférée par le brevet a été accrue.

Si les motifs de nullité n’affectent le brevet qu’en partie, la nullité est prononcée sous la forme d’une limitation correspondante des revendications.

Dans le cadre d’une action en nullité du brevet, son titulaire est habilité à limiter le brevet en modifiant les revendications ; le brevet ainsi limité constitue l’objet de l’action en nullité engagée.

La partie qui, lors d’une même instance, procède à plusieurs limitations de son brevet, de manière dilatoire ou abusive, peut être condamnée à une amende civile d’un montant maximum de 3 000 euros, sans préjudice de dommages et intérêts qui seraient réclamés.

  • Article L614-12

La nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l’un quelconque des motifs visés à l’article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich.

Si les motifs de nullité n’affectent le brevet qu’en partie, la nullité est prononcée sous la forme d’une limitation correspondante des revendications.

Dans le cadre d’une action en nullité du brevet européen, son titulaire est habilité à limiter le brevet en modifiant les revendications conformément à l’article 105 bis de la convention de Munich ; le brevet ainsi limité constitue l’objet de l’action en nullité engagée.

La partie qui, lors d’une même instance, procède à plusieurs limitations de son brevet de manière dilatoire ou abusive peut être condamnée à une amende civile d’un montant maximum de 3 000 euros, sans préjudice de dommages et intérêts qui seraient réclamés.