Les décisions d’autorisation de mise sur le marché d’une pomme de terre génétiquement modifiée et d’aliments pour les animaux en contenant sont annulées.

L’arrivée des nouvelles technologies soulève de nombreuses interrogations  dans le public. Ces questionnements sont d’autant plus vifs quand la santé est en cause. Dans quelle mesure le politique pour prendre sa décision les autorisant peut-il recourir à des comités d’experts ?

L’arrêt du TPIUE du 13 décembre 2013 examine les décisions de la Commission autorisant la mise sur le marché d’une pomme de terre génétiquement modifiée. L’arrêt est ici.

  • Une pomme de terre génétiquement modifiée

15      La pomme de terre génétiquement modifiée dénommée Amflora (Solanum tuberosum L. lignée EH92-527-1) est une pomme de terre dont la composante amylacée a été modifiée. Elle se caractérise par une teneur accrue en amylopectine, de façon à ce que son amidon soit constitué presque uniquement d’amylopectine. Elle se différencie ainsi d’une pomme de terre non génétiquement modifiée, dont l’amidon est constitué d’environ 15 à 20 % d’amylose et d’environ 80 à 85 % d’amylopectine. Elle permet une extraction optimisée de l’amylopectine en vue d’applications industrielles, notamment la fabrication de pâte à papier, de fibres ou de colles.

16      La modification génétique implique l’introduction, dans le génome de la pomme de terre Amflora, d’un gène dénommé « nptII » (néomycine phosphotransférase II) (ci-après le « gène nptII »). Le gène nptII appartient à la catégorie des gènes marqueurs de résistance aux antibiotiques (ci-après les « gènes MRA »). Dans la modification génétique, les gènes marqueurs ont pour rôle de marquer, en lien avec le gène porteur de la caractéristique souhaitée, les cellules où l’opération a été réussie. Les gènes MRA exercent leur fonction par le biais de la résistance à l’antibiotique délivré. Le gène nptII, en particulier, exprime une résistance aux antibiotiques néomycine, kanamycine et généticine, qui appartiennent à la famille des aminoglycosides.

  • La fragilité des avis et décisions antérieurs des comités, qui aurait dû conduire la Commission à les consulter à nouveau

85      Or, en l’espèce, les votes sur les projets antérieurs au sein des comités avaient été très divisés (voir points 25 et 30 ci-dessus) et les conclusions de l’avis consolidé de l’EFSA de 2009 exprimaient davantage d’incertitudes que les avis antérieurs de l’EFSA, en particulier la déclaration de l’EFSA de 2007, et étaient assorties d’avis minoritaires (voir points 28, 36 et 37 ci-dessus). Au vu de ces éléments, il n’était donc pas exclu que les membres des comités pussent revoir leur position et réunir une majorité qualifiée pour ou contre les projets de mesures. De surcroît, en présence d’un avis défavorable ou en l’absence d’avis, la Commission, en vertu de l’article 5, paragraphe 4, de la décision 1999/468, aurait été tenue de soumettre sans tarder les mesures proposées au Conseil, qui aurait pu adopter ou s’opposer formellement auxdites mesures, à la majorité qualifiée, dans un délai de trois mois. Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure, en l’absence de majorité qualifiée au Conseil, que la Commission aurait pu adopter les propositions de mesures litigieuses. Par conséquent, il y a lieu de considérer que le résultat de la procédure ou le contenu des décisions attaquées aurait pu être substantiellement différent si la procédure prévue à l’article 5 de la décision 1999/468 avait été respectée par la Commission.

86      Par ailleurs, il convient de relever que la procédure de réglementation régit une compétence d’exécution conférée à la Commission par le Conseil dans l’acte de base qu’il établit, conformément à l’article 202, troisième tiret, CE. Elle participe ainsi de l’équilibre institutionnel au sein de l’Union, en particulier entre les attributions du Conseil et du Parlement, d’une part, et de la Commission, d’autre part. Le non-respect de cette procédure par la Commission est donc de nature à affecter l’équilibre institutionnel de l’Union.

87      Force est, dès lors, de constater que la Commission, lorsqu’elle a adopté les décisions attaquées en omettant de soumettre aux comités de réglementation compétents les projets modifiés de ces décisions d’autorisation, a violé ses obligations procédurales au titre de l’article 5 de la décision 1999/468 ainsi que des dispositions de la directive 2001/18 et du règlement n° 1829/2003 qui y renvoient, et a, par là même, commis, pour chacune desdites décisions, une violation des formes substantielles au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, que le Tribunal est tenu de relever d’office. Partant, ces décisions sont, conformément à l’article 264, premier alinéa, TFUE, frappées de nullité dans leur intégralité.

  • La décision du Tribunal  du 13 décembre 2013

déclare et arrête :

1)      La décision 2010/135/UE de la Commission, du 2 mars 2010, concernant la mise sur le marché, conformément à la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, d’une pomme de terre (Solanum tuberosum L. lignée EH92-527-1) génétiquement modifiée pour l’obtention d’un amidon à teneur accrue en amylopectine, et la décision 2010/136/UE de la Commission, du 2 mars 2010, autorisant la mise sur le marché d’aliments pour animaux produits à partir de la pomme de terre génétiquement modifiée EH92-527-1 (BPS-25271-9) et la présence fortuite ou techniquement inévitable de cette pomme de terre dans les denrées alimentaires et d’autres produits destinés à l’alimentation animale, en application du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, sont annulées.