INPI : des délais de recours à recalculer

Le 1er  décembre 2021, la Cour de cassation a modifié sa position sur le calcul des délais appliqués par l’INPI au déposant de brevet qui voit sa demande rejetée pour inobservation d’un délai. Notons qu’il n’est question ici que d’un recours en restauration présenté relativement à la requête en poursuite de la procédure. L’arrêt

Deux articles du CPI sont en cause, l’un fixant un délai de régularisation sans besoin de motivation, l’autre conditionnant la restauration du titre à la preuve d’une excuse légitime.

  • Un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision de rejet pour présenter une requête en poursuite de la procédure, « l’acte non accompli doit l’être dans ce délai », R612-52.
  • Un délai d’un an à compter de l’expiration du délai non observé pour présenter dans les deux mois de la cessation de l’empêchement, « un recours en vue d’être restauré dans ses droits », L612-16.

Comment combiner ces deux délais ?

Le délai d’un an (L612-16) doit-il courir à compter :

  • du terme du délai non respecté pour au maximum un an (le délai de deux mois de R612-52 est alors inopérant) ?
  • Ou bien à compter du terme des deux mois ( R612-52 ), avec dans la meilleure hypothèse pour le déposant, ce délai de deux mois commençant à courir à compter de la notification de la décision de rejet et non du terme du délai accordé par l’INPI  au déposant pour régulariser sa demande ?

Illustration avec l’affaire ayant conduit à ce revirement du 1er décembre 2021.

 

Situation antérieure à l’arrêt du 1er décembre 2021 Nouvelle computation des délais 
6 novembre 2015 : dépôt d’une demande de brevet.
16 août 2016 : notification par l’INPI d’irrégularité de la demande.
17 octobre 2016 : expiration du délai de deux mois à compter de la notification d’irrégularité.
10 novembre 2016 : notification de la décision du 4 novembre 2016 rejetant la demande de brevet.
10 janvier 2017 : expiration du délai de deux mois à compter de la décision de rejet.
17 octobre 2017 : expiration du délai d’un an à compter de la notification d’irrégularité.
8 janvier 2018 : recours en restauration L 612 -16 et requête en poursuite de la procédure R 612- 52.
10 janvier 2018 : terme du délai d’un an compté à partir du terme du délai de deux mois dont le point de départ est la décision de rejet.
17 juillet 2018 : le recours en restauration est déclaré irrecevable par l’INPI car tardif.
12 septembre 2018 : recours contre la décision de l’INPI.
5 novembre 2019 :  la Cour d’appel de Paris rejette le recours.

La Cour de cassation ajoute donc les deux délais et décale le point de départ du décompte du délai au jour de la décision de rejet par l’INPI.

Est à noter la soin apporté par la Cour de cassation pour expliquer son revirement (cette démarche avait déjà été soulignée  aux deux arrêts du 13 octobre 2021 intervenus en matière de marque, et).

  • La Cour de cassation rappelle sa position antérieure :
  1. La Cour de cassation (Com., 15 avril 1986, pourvoi n° 84-12.527, Bull. IV, n° 60) a interprété l’article 20 bis de la loi du 2 janvier 1968 et l’article 124 du décret n° 79-822 du 19 septembre 1979, dont les dispositions ont été codifiées, respectivement, à l’article L. 612-16 et à l’article R. 612-52 du code de la propriété intellectuelle, en ce sens que les dispositions de l’article 124 du décret précité ne peuvent avoir pour effet de prolonger le délai d’un an prévu au deuxième alinéa de l’article 20 bis de la loi précitée et que, quel que soit le fondement du recours en restauration, celui-ci n’est recevable que dans un délai d’un an à compter de la date limite à laquelle l’acte initialement omis devait être accompli.Et la reconsidère :
  •  La nouvelle lecture des articles du CPI :
  1. D’abord, il ressort du libellé même de l’article L. 612-16 du code de la propriété intellectuelle que le délai d’un an qui y est prévu commence à courir à compter de l’expiration du délai non observé. Lorsque le demandeur introduit un recours en restauration de ses droits à présenter une requête en poursuite de la procédure malgré l’expiration du délai de deux mois imparti par l’article R. 612-52 du code de la propriété intellectuelle pour présenter cette requête, le délai non observé est ce délai de deux mois.

    12. Ensuite, la sécurité juridique recherchée pour les tiers par l’instauration du délai d’un an serait également assurée si le point de départ de ce délai n’était pas l’expiration du délai imparti pour accomplir l’acte initialement omis, mais l’expiration du délai de deux mois imparti pour présenter une requête en poursuite de la procédure.

  • Et la position de l’OEB :
  1. Enfin, l’article 122 de la Convention sur la délivrance de brevets européens et la règle 136 du règlement d’exécution de cette Convention ouvrant, devant l’Office européen des brevets (l’OEB), la même possibilité pour le demandeur qui n’a pas été en mesure d’observer un délai à l’égard de l’OEB, d’être rétabli dans ses droits en présentant une requête en restitutio in integrum dans un délai d’un an à compter de l’expiration du délai non observé, il apparaît souhaitable que le délai d’un an soit calculé de la même façon selon que la demande tendant à être rétabli dans ses droits est présentée à l’INPI par le demandeur d’un brevet français ou à l’OEB par le demandeur d’un brevet européen désignant la France. Or une Chambre de recours juridique de l’OEB a interprété les dispositions applicables devant elle en ce sens que, lorsque le demandeur sollicite le rétablissement dans ses droits à présenter une requête en poursuite de la procédure, le délai d’un an pour introduire la requête en restitutio in integrum commence à courir à compter de l’expiration du délai dont il disposait pour présenter la requête en poursuite de la procédure (décision du 30 avril 1993, affaire J 12/92). Prenant cette jurisprudence en compte, les directives relatives à l’examen pratiqué à l’OEB précisent que, lorsque le délai pour requérir la poursuite de la procédure a expiré, « la requête en restitutio in integrum doit être requise quant au délai pour requérir la poursuite de la procédure, et non quant au délai inobservé initialement » (Partie E, chapitre VIII, 3.1.1).

D’où cette nouvelle combinaison des deux délais et de leur point de départ.

  1. Dès lors, il apparaît nécessaire d’abandonner la jurisprudence précitée et d’interpréter désormais les articles L. 612-16 et R. 612-52 du code de la propriété intellectuelle en ce sens que le délai d’un an imparti, à peine d’irrecevabilité, par le premier de ces textes pour introduire un recours en restauration des droits à présenter une requête en poursuite de la procédure, commence à courir à l’expiration du délai de deux mois prévu par le second texte.15. Rien ne s’oppose, en l’espèce, à une application immédiate de cette nouvelle interprétation.

La décision du directeur général de l’INPI du 17 juillet 2018 est annulée ainsi que l’arrêt de la Cour d’appel.

On notera aux moyens du pourvoi qu’il y est dit :

l’INPI avait admis dans les directives générales publiées sur son site, que le recours en restauration pouvait être présenté relativement à la requête en poursuite de la procédure,……. que ce recours pouvait être exercé dans le délai d’une année à compter de l’expiration du délai pour déposer cette requête selon les indications publiées par l’INPI lui-même….