3 650 000 Euros en réparation du préjudice pour l’exécution d’une interdiction de commercialiser au regard d’une revendication d’un brevet ultérieurement annulée

L’exécution d’une décision de justice est toujours à ses risques et périls. En matière de brevet et plus encore dans le domaine des médicaments, celui qui a fait exécuter une ordonnance et que cette première décision est annulée, s’expose à des dommages et intérêts.

L’arrêt du 31 janvier 2014 de la Cour de Paris dans l’affaire où la société Biogaran demande aux laboratoires Negma l’indemnisation de son préjudice pour le retrait des médicaments, illustre ce risque. 3, 5 millions d’Euros sont alloués auxquels s’ajoutent 150 000 Euros pour le préjudice d’image.

Les faits ont déjà été cités , c’est ici.

Le précédent post s’intéressait à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par les laboratoires Negma, qui a été rejetée. Les lecteurs se rappellent que cet arrêt du 6 juillet 2012 avait examiné cette demande de QPC sur quatre pages.

L’arrêt du 31 janvier 2014 s’il examine avec minutie les éléments comptables, retient l’attention par la rédaction des questions dont les laboratoires Negma entendaient saisir la Cour de Justice, tentative qui est rejetée.

La société Laboratoires Negma demande de soumettre trois questions préjudicielles à la Cour de justice européenne :

1ère question : demander à la CJUE de déterminer si les dispositions de la Directive du 29 avril 2004 issu de l’accord ADPIC devraient être interprétées comme s’opposant à ce qu’une réglementation nationale admette une responsabilité sans faute, alors qu’elle tend à prévoir un niveau élevé de protection des droits de propriété intellectuelle et un dédommagement approprié et adéquat si les mesures d’interdiction ont été prises abusivement ;

Car elle soutient que l’expression indemnisation éventuelle mentionnée dans l’article L 615-3 du code de la propriété intellectuelle suppose la démonstration préalable d’une faute.

Mais il a été indiqué ci-dessus que cet article n’excluait pas l’application d’une responsabilité sans faute et les dispositions de la directive précitée qui prévoient que les autorités judiciaires sont habilitées à accorder un dédommagement approprié en réparation de tout dommage causé par les mesures, sont sans équivoque et ne nécessitent aucune interprétation.

2ème question : demander à la CJUE si l’article 9.7 de la directive du 29 avril 2004 vise la seule hypothèse de l’absence de contrefaçon ou s’il s’étend au cas d’annulation du titre.

Elle expose à cet effet que l’annulation du brevet n’est pas comprise dans les faits déclencheurs de l’indemnisation prévue à l’article 9.7 de cette directive et par l’article L 615-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Mais ces deux dispositions qui sont claires ne nécessitent aucune interprétation, une indemnisation appropriée est prévue dans ce cas.

En effet, l’article L 615-3 du Code de la propriété intellectuelle vise le cas où, comme présentement l’action en contrefaçon est infondée ou les mesures annulées alors que l’article 9.7 de la directive du 29 avril 2004 vise les mêmes circonstances : ‘les cas où il est constaté ultérieurement qu’il n’y a pas eu d’atteinte à un droit de propriété intellectuelle’ soit parce que le titre a été annulé soit parce qu’il n’y a pas de contrefaçon.

3ème question : demander à la CJUE si l’indemnisation éventuelle du prétendu contrefacteur interdit à tort, prévue par l’article 9.7 de la directive précitée, doit se limiter aux frais exposés pour l’exécution de la mesure ou comprendre le gain manqué dans la commercialisation avortée pendant la période d’interdiction.

Mais comme le souligne la société Biogaran ces disposions ne nécessitent pas d’interprétation car elles ne font aucune distinction : ‘Dans les cas où les mesures provisoires sont abrogées ou cesseront d’être applicables en raison de toute action ou omission du requérant, ou dans les cas où il est constaté ultérieurement qu’il n’y a pas eu atteinte ou menace d’atteinte à un droit de propriété intellectuelle, les autorités judiciaires sont habilitées à ordonner au requérant, à la demande du défendeur, d’accorder à ce dernier un dédommagement approprié en réparation de tout dommage causé par ces mesures’.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à ces demandes, non fondées.