Obtention végétale : tout manquement contractuel à un contrat de licence constitue-t-il un acte de contrefaçon des droits de l’obtenteur ?

Les questions préjudicielles relatives aux obtentions végétales sont rares. l’arrêt du 20 octobre 2011, il est ici, entre Greenstar-Kanzi Europe NV contre Jean Hustin, et Jo Goossens, affaire C‑140/10, intervient sur la qualification à donner à un manquement contractuel d’un contrat de licence d’obtention végétale.

Le texte communautaire à interpréter : le règlement n° 2100/94 sur les obtentions végétales.

Si différentes dispositions de ce règlement , les articles 15 et 16, conditionnent des actes à  l’autorisation du titulaire comme la production ou la reproduction (multiplication), l’offre à la vente des plants issus de la variété protégée, ce règlement prévoit aussi tout un ensemble de cas où l’autorisation peut être subordonnée à des conditions qui tiennent compte de la spécificité de l’objet de ce droit : les fruits, le matériel végétal susceptible de permettre sa reproduction, le but de la vente pour la reproduction ou pour la consommation etc …

Les faits à l’origine de l’affaire

Nicolaï NV est l’obtenteur d’une nouvelle variété de pommiers, la variété Nicoter. Ces pommes sont commercialisées sous la marque Kanzi par un réseau sélectif de production et de distribution des arbres et des fruits,

15 juin 2001 publication de la variété NICOTER au Bulletin officiel de l’Office communautaire des variétés végétales .

Ultérieurement, Nicolaï a fait apport de ce droit à Better3fruit NV de l’obtention végétale Nicoter.

Better3fruit est également le titulaire de la marque de pommes Kanzi.

Puis en 2003, Better3fruit accorde à Nicolaï un contrat de licence exclusive de culture et de commercialisation des pommiers de la variété Nicoter.

Mais ce contrat prévoit que Nicolaï «ne cédera ou ne vendra aucun produit faisant l’objet de la licence en l’absence de conclusion préalable par écrit, par le cocontractant concerné, de la convention de licence de culture visée à l’annexe 6 (pour les cocontractants cultivateurs) ou de la convention de licence de commercialisation visée à l’annexe 7 (pour les cocontractants négociants)».

Le 24 décembre 2004, Nicolaï a vendu 7 000 pommiers de la variété Nicoter à M. Hustin. mais sans qu’Hustin ne s’engage sur une quelconque prescription quant à la culture des pommiers et à la vente de la récolte.

Quelques jours plus tard, le 20 janvier 2005, le contrat de licence entre Better3fruit et Nicolaï est résilié

c’est GKE qui obtient les droits d’exploitation exclusifs à la place de Nicolaï.

Mais en décembre 2007, M. Goossens vend des pommes sous la marque Kanzi. les dites pommes lui avaient été fournies par M. Hustin.

GKE a alors engagé une action en contrefaçon contre MM. Hustin et Goossens devant des juridictions du Bénélux.

  • D’abord en référé, le 29 janvier 2008, qui condamne M. Hustin que M. Goossens pour infraction à la protection communautaire des obtentions végétales de GKE.
  • Mais en appel, la première décision est réformée par arrêt du 24 avril 2008 aux motifs que les limitations reprises dans le contrat de licence conclu entre Better3fruit et Nicolaï n’étaient pas opposables à MM. Hustin et Goossens.
  • GKE se pourvoi en cassation, et Le Hof van Cassatie, interroge la CJUE.

L’arrêt du 20 octobre 2011

  • Sur cette connaissance par le second acheteur des clauses limitatives inscrites au contrat de licence et que le licencié ne lui avait pas appliquées,  la CJUE retient :

« Force est donc de constater que des éléments subjectifs, tels que la connaissance de conditions ou de limitations contenues dans le contrat de licence, ne jouent en principe aucun rôle pour l’appréciation d’une contrefaçon et du droit à agir à l’encontre de l’auteur d’une telle contrefaçon. »

  • Néanmoins, la CJUE  va renvoyer à la juridiction nationale l’appréciation du caractère essentiel ou non des conditions et limitations contractuelles au regard de la protection de l’obtention végétale :

L’article 94 …..les articles 11, paragraphe 1, 13, paragraphes 1 à 3, 16, 27 et 104 dudit règlement, dans des conditions telles que celles en cause au principal, doit être interprété en ce sens que le titulaire ou le licencié peut intenter une action en contrefaçon contre un tiers qui a obtenu le matériel par l’intermédiaire d’un autre licencié ayant enfreint les conditions ou les limitations figurant dans le contrat de licence que ce dernier licencié a précédemment conclu avec le titulaire pour autant que les conditions ou les limitations en question portent directement sur les éléments essentiels de la protection communautaire des obtentions végétales concernée, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier.