Accorder une licence de brevet ne constitue pas une entreprise de location de meubles

Devant quel juge engager une action en manquement contractuel  où sont en cause des droits de propriété industrielle ? Ce blog en parle souvent, mais toutes ces discussions seraient-elles encore utiles si le contrat de licence de brevet était par nature un acte de commerce ?

Les faits relatés à l’arrêt de la Cour de cassation du 29 janvier 2020

Une licence particulière de brevet : « le GIE A …..a, par contrat du ……2008, confié à la société B ……..un mandat exclusif de commercialisation de lignées de souris génétiquement modifiées selon une technologie qu’il avait fait breveter, moyennant une rémunération sous forme de commissions, la société B….. s’engageant à verser au GIE A…. une avance sur les redevances payées par les tiers acquéreurs ».

Autrement dit :

A est un GIE.

A accorde à B la commercialisation d’animaux génétiquement modifiés selon une technique brevetée.

B s’engage à payer à A une avance sur les redevances payées par les tiers acquéreurs.

A ne reçoit pas de B les redevances attendues.

A assigne en paiement B devant le Tribunal de grande instance de Lyon.

B oppose l’incompétence de ce tribunal au profit du Tribunal de commerce de Lyon.

Le Juge de la Mise en Etat du Tribunal de grande instance de Lyon rejette cette exception d’incompétence.

La Cour d’appel de Lyon confirme l’ordonnance.

Somme toute rien que du très classique sauf dans le moyen invoqué.

…. que l’article L. 721-3 du code de commerce, qui fixe la compétence des juridictions commerciales, prévoit que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ; que l’article L. 110-1 du code de commerce répute acte de commerce toute entreprise de location de meubles ; qu’en écartant le moyen de la société [B]….. , qui soutenait que le GIE exerçait une entreprise de location de biens meubles, les contrats de licence de brevets étant des contrats de location de meubles incorporels, motif pris que les contrats en cause ne s’analysaient pas, au regard de l’article L. 110-1 du code du commerce, en des actes de commerce par nature, ces actes ne faisant pas partie en effet de ceux qui sont énumérés par cet article, sans expliquer, ne serait-ce que sommairement, en quoi ils ne méritaient pas la qualification de contrat de location de biens meubles visé à l’article L. 110-1 4°, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 110-1 4° et L. 721-3 du code de commerce. »

Ce que dit la Cour de cassation pour rejeter le pourvoi le 29 janvier 2020.

« . Si la licence de brevet est un contrat de louage dont l’objet est une invention, la conclusion de ce type de contrat par un GIE titulaire d’un brevet qu’il a lui-même déposé ne constitue pas une entreprise de location de meubles au sens de l’article L. 110-1 4° du code de commerce »

 

L’article L110-1  ( le 4° est seul ici invoqué)

La loi répute actes de commerce :

1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre ;

2° Tout achat de biens immeubles aux fins de les revendre, à moins que l’acquéreur n’ait agi en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux ;

3° Toutes opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou parts de sociétés immobilières ;

4° Toute entreprise de location de meubles ;

5° Toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par eau ;

6° Toute entreprise de fournitures, d’agence, bureaux d’affaires, établissements de ventes à l’encan, de spectacles publics ;

7° Toute opération de change, banque, courtage, activité d’émission et de gestion de monnaie électronique et tout service de paiement ;

8° Toutes les opérations de banques publiques ;

9° Toutes obligations entre négociants, marchands et banquiers ;

10° Entre toutes personnes, les lettres de change.