Le prisme du risque de la contrariété des décisions en matière de contrefaçon des parties nationales du brevet européen allait-il changer les règles de compétence ?

L’arrêt du 12 juillet 2012 de la Cour de Justice C-616/10 intervient sur les règles de compétence applicables aux actions en contrefaçon des parties nationales du même brevet européen et aux mesures provisoires d’interdiction.

Le prisme du risque de la contrariété des décisions en matière de contrefaçon des parties nationales du brevet européen allait-il changer les règles de compétence ?

6 mars 2009 : En invoquant les différents brevets nationaux issus du brevet européen EP 0 858 440, Solvay saisit le Rechtbank ’s-Gravenhage d’une action en contrefaçon des parties nationales de ce brevet en vigueur :

–          au Danemark,

–          en Irlande,

–          en Grèce,

–          au Luxembourg,

–          en Autriche,

–          au Portugal,

–          en Finlande,

–          en Suède,

–          au Liechtenstein

–          et en Suisse,

Cette action est dirigée contre quatre sociétés Honeywell pour avoir commercialisé un produit, le HFC‑245 fa, fabriqué par Honeywell International Inc :

–          Honeywell Fluorine Products Europe BV et Honeywell Europe NV de réaliser des actes réservés dans l’ensemble de l’Europe,

–          et Honeywell Belgium NV de réaliser des actes réservés en Europe septentrionale et centrale.

9 décembre 2009 : Solvay demande à l’encontre des sociétés Honeywell, une mesure provisoire portant interdiction de contrefaçon transfrontalière.

Dans cette seconde procédure, les sociétés Honeywell :

–          invoquent la nullité des parties nationales des brevets,

–          mais n’engagent pas de procédure en nullité des parties nationales ni ne contestent la compétence du juge néerlandais.

Le juge néerlandais pose différentes questions préjudicielles.

  • Sur l’appréciation du risque de décisions inconciliables  ( art. 6 du règlement 44/2001)

Après de nombreux rappels des précédentes décisions qui sont autant de réserves ( ?), la Cour indique :

29 .Afin d’apprécier, dans une situation telle que celle en cause au principal, l’existence du lien de connexité entre les différentes demandes portées devant elle et donc du risque de décisions inconciliables si ces demandes étaient jugées séparément, il incombera à la juridiction nationale de prendre, notamment, en compte la double circonstance selon laquelle, d’une part, les défenderesses au principal sont accusées, chacune séparément, des mêmes actes de contrefaçon à l’égard des mêmes produits et, d’autre part, de tels actes de contrefaçon ont été commis dans les mêmes États membres, de sorte qu’ils portent atteinte aux mêmes parties nationales du brevet européen en cause.

  • La possibilité de prononcer des mesures provisoires (art.31) est maintenue malgré la règle de compétence exclusive du juge national en matière de validité des brevets (art. 22, point 4)

Le rappel de la problématique :

46      En outre, la Cour a précisé que, admettre, dans le système de la convention de Bruxelles, des décisions dans lesquelles des juridictions autres que celles de l’État de délivrance d’un brevet statueraient à titre incident sur la validité de ce brevet multiplierait le risque de contrariétés de décisions que la convention vise précisément à éviter (voir arrêt GAT, précité, point 29).

……

La position de la Cour :

50      Dans ces circonstances, il apparaît que le risque de contrariétés des décisions évoqué au point 47 du présent arrêt est inexistant, dès lors que la décision provisoire prise par le juge saisi à titre incident ne préjugera aucunement de la décision à prendre sur le fond par la juridiction compétente au titre de l’article 22, point 4, du règlement n° 44/2001. Ainsi, les raisons qui ont amené la Cour à une interprétation large de la compétence prévue à l’article 22, point 4, du règlement n° 44/2001 n’exigent pas que, dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, l’application de l’article 31 dudit règlement soit écartée.

51      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 22, point 4, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas, dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire au principal, à l’application de l’article 31 de ce règlement.