Essais toxicologiques de l’AMM : confidentialité et secret des affaires face à l’intérêt public supérieur

 

Des contentieux en matière de brevet et de CCP, ce blog en a souvent cités. Lien entre le Brevet et le CCP, l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

L’AMM est accordée ou délivrée par une autorité administrative au regard de différents documents dont souvent des rapports d’essais toxicologiques.

Ces rapports d’essais toxicologiques sont-ils accessibles à des tiers  et dans l’affirmative, sous quelle forme ?   Existerait-il une présomption générale de confidentialité des documents faisant partie d’un dossier d’AMM ?

Le 25 novembre 2015 : l’Agence européenne des médicaments (EMA) accorde l’accès à des documents contenant des informations soumises dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament.

Point important de cette affaire :  Antérieurement à sa décision, l’EMA avait informé les titulaires de l’AMM de cette demande et les avaient invités à lui faire part de leurs « propositions d’occultation portant sur ces trois rapports » . Ultérieurement l’EMA les a informés qu’elle acceptait certaines de leurs propositions d’occultation. « ayant trait à la fourchette de concentration de la substance active, aux détails de la norme de référence interne utilisée dans les tests analytiques et aux références aux projets de développements à venir ».

20 juillet 2016, Le Président du Tribunal de l’Union suspend en référé l’exécution de la décision de l’EMA

5 février 2018, le Tribunal rejette la demande d’annulation de la décision de l’EMA présentée par les titulaires de l’AMM.

20 janvier 2020, La Cour de justice saisie d’un pourvoi par les laboratoires qui avaient déposé la demande d’AMM, le rejette.

Des différents motifs de cet arrêt, en cette nouvelle année où le secret des affaires risque d’être de plus en plus invoqué, est à retenir :

133    Le Tribunal a, à juste titre, estimé, au point 119 de cet arrêt, que les requérantes contestaient notamment l’absence de mise en balance des intérêts en présence, alors même qu’elles considéraient que les informations litigieuses étaient confidentielles. C’est ensuite sans commettre d’erreur de droit qu’il a considéré, au point 122 dudit arrêt, que, l’EMA n’ayant pas conclu que les rapports litigieux étaient confidentiels et, partant, qu’ils devaient être protégés par les exceptions visées à l’article 4, paragraphes 2 ou 3, du règlement no 1049/2001, celle-ci n’était pas dans l’obligation de déterminer ou d’évaluer l’intérêt public à la divulgation de ces rapports, ni de le mettre en balance avec l’intérêt de la requérante à garder lesdits rapports confidentiels.

Rappelons en effet, la cadre juridique de cette affaire tel que cité à l’arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2020.

  •  Le droit international

2        L’article 39, paragraphe 3, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce figurant à l’annexe 1 C de l’accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce et approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1) (ci-après l’« accord ADPIC »), prévoit :

« Lorsqu’ils subordonnent l’approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques ou de produits chimiques pour l’agriculture qui comportent des entités chimiques nouvelles à la communication de données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées, dont l’établissement demande un effort considérable, les membres protégeront ces données contre l’exploitation déloyale dans le commerce. En outre, les membres protégeront ces données contre la divulgation, sauf si cela est nécessaire pour protéger le public, ou à moins que des mesures ne soient prises pour s’assurer que les données sont protégées contre l’exploitation déloyale dans le commerce. »

  •  Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 1er, sous a), du règlement no 1049/2001 :

« Le présent règlement vise à :

  1. a)      définir les principes, les conditions et les limites, fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, du droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (ci-après dénommés “institutions”) prévu à l’article 255 [CE] de manière à garantir un accès aussi large que possible aux documents ».

4        L’article 4 de ce règlement, intitulé « Exceptions », dispose, à son paragraphe 2 et à son paragraphe 3, premier alinéa :

« 2.      Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

–        des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

[…]

  1. L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. »