Contrefaçon par équivalence d’une revendication limitée après le jugement qui a déjà reconnu la contrefaçon par équivalence

La limitation d’une revendication  d’un brevet peut intervenir en cours d’appel. L’arrêt du 19 mars 2014 de la Cour de Paris intervient donc après la limitation et retient la contrefaçon de cette revendication modifiée par équivalence. Autre intérêt de cette affaire, le jugement avait déjà retenu la contrefaçon par équivalence. 

C…… est titulaire d’un brevet européen EP 1 336 3948 B1 désignant la France, déposé le 14 février 2003, publié le 20 août 2003 et délivré le 3 janvier 2007 intitulé « Borne interactive de vitrine » sous priorité d’un brevet français n° 02 01957 déposé le 15 février 2002 ;

5 et 6 juillet 2007 : saisie-contrefaçon à la requête de C……

18 juillet 2007 : C…. assigne A…….. devant e TGI de Bordeaux ( Ne sont citées ici que ces seules deux parties)

21 septembre 2010 : le TGI de Bordeaux condamne A…….. pour contrefaçon notamment de la revendication 1.

27 octobre 2010 : appel par A……

2 mai 2012 : requête en limitation de la partie française du brevet.

29 juin 2012 : le Directeur de l’INPI accepte la limitation.

  • La limitation de la revendication 1 du brevet

Considérant que cette revendication concerne une « Borne interactive installée derrière une vitrine, composée d’un boîtier (6) intégrant un micro-ordinateur (1), un écran plat (2), une solution d’acquisition vitro-sensitive (3) » ;

Qu’elle était « caractérisée en ce que la solution d’acquisition (3) est solidaire du boîtier » et est désormais « caractérisée en ce que la solution d’acquisition (3) n’est pas solidaire du vitrage, et est solidaire du boîtier (6), et en ce que le boîtier est placé dans un châssis solidaire du vitrage ou solidarisé à un mobilier urbain » ;

  • La Cour rejette la demande de nullité de la revendication

Considérant que l’appelante soutient que cette revendication ainsi modifiée serait nulle comme augmentant la protection préalablement accordée, en présentant une formulation beaucoup plus large, revendiquant toutes les solutions permettant d’aboutir à l’absence de solidarité de la solution d’acquisition avec le vitrage, non antérieurement revendiquée ; qu’elle prétend que le seul moyen divulgué directement et sans ambiguïté consisterait en un système élastique caractéristique de la revendication 5 dont la rédaction n’a pas été modifiée ;

Mais considérant que, selon la description, l’objet du brevet consiste bien « en un système regroupant tous les sous-ensembles de la borne et en particulier la solution d’acquisition vitro-sensitive sans que celle-ci soit solidaire du vitrage » et il y est expressément précisé que le dispositif est constitué d’un boîtier qui « devra être placé dans un châssis solidaire du vitrage ou solidarisé à un mobilier urbain« , ce qui est conforté par les deux figures du brevet ;

Qu’il ne saurait donc être admis que l’absence de solidarité de la solution d’acquisition avec le vitrage, ou le placement du boîtier, tels qu’il résultent des caractéristiques de la revendication 1 modifiée ne seraient pas clairement soutenus par la description ou les dessins ; que par ailleurs si seule la revendication 5 demeure se référer au dispositif élastique précisant que « la translation de la solution d’acquisition (3) est forcée par un système élastique (7) », dispositif permettant selon la description « de rattraper le jeu pouvant exister entre la solution d’acquisition et le vitrage », la non intégration de cette caractéristique spécifique dans la revendication 1 ne saurait élargir le champ de la protection de la revendication principale initiale ;

Qu’au contraire, l’enrichissement de la rédaction de celle-ci, tel que réalisé, précise l’objet de la protection, qui correspond à l’invention décrite, et ce moyen de nullité ne saurait, en conséquence prospérer ;

  • La Cour retient comme le tribunal la contrefaçon par équivalence mais de cette revendication 1 limitée

considérant que le procès-verbal de saisie contrefaçon réalisé à l’Office du Tourisme de V….les 5 et 6 juillet 2007 établit l’implantation d’une borne interactive sur une porte vitrée, qui permet sur simple pression tactile sur la vitre de la porte de naviguer dans différentes informations proposées, tandis qu‘à l’arrière est visible un caisson reposant sur un morceau de plexiglas ‘qui laisse un très faible intervalle entre la vitre et le moniteur’ ; que ce caisson présente également en partie haute un cadre de plexiglas avec une découpe centrale d’où sortent des alimentations, l’ensemble du caisson étant maintenu par deux filins d’acier dont les quatre points d’ancrage forment un angle « exerçant ainsi une pression pour maintenir le moniteur plaqué contre de la vitre », implantés en partie haute et basse sur le châssis métallique de l’ouverture et ancrés en partie centrale de chaque côté du caisson « par des passages métalliques fixés sur les plaques haute et basse de plexyglass » , le tout étant solidaire et restant immobile ;

Considérant qu’il ressort de ces constations que le meuble borne est fixé sur l’huisserie de la porte vitrée ; qu’il s’agit d’un mobilier suspendu, inséré entre deux plaques en plexiglas, ainsi que le montrent les photographies prises par l’huissier, ce qui est conforté par les énonciations des facture et devis annexés au procès verbal de saisie contrefaçon, le mobilier permettant l’intégration du matériel sur l’huisserie de la porte et étant fixé par deux câbles métalliques ;

Que la borne comprend bien un mobilier, ou caisson, contenant manifestement même s’il n’a pas été ouvert par l’huissier tous ses composants (écran, dispositif tactile et micro ordinateur accessible par 3 sorties de clés USB), qui est inséré dans des plaques, formant châssis, solidarisées à la porte vitrée ; qu’il sera relevé que les premiers juges ont exactement retenu qu’un dispositif tactile est équivalent à un dispositif vitro sensitif puisqu’il a un effet identique, le système apposé par la société A….. tendant également à permettre à un utilisateur placé à l’extérieur de commander, derrière une vitre, l’unité centrale dédiée pour obtenir des informations ;

Qu’il sera ajouté que si l’huissier a vainement tenté d’insérer entre la vitre et le moniteur une feuille de papier, il n’apparaît nullement que le système tactile ou sensitif de l’installation incriminée soit collé à la vitre, alors au contraire qu’a été mis en place un châssis en plexiglas, relié à l’entourage métallique de la porte, permettant de plaquer le caisson comprenant l’écran pour le mettre en contact avec la vitre ; qu’au demeurant l’appelante précise bien (p 48 de ses écritures) que ‘la maintenance de la borne suppose une désolidarisation de l’écran par démontage des filins’, lesquels s’avèrent implantés sur le châssis ;

Considérant qu’il en résulte qu’est suffisamment caractérisée la contrefaçon par équivalence de moyens de la revendication 1, qui enseigne une solution d’acquisition non solidaire du vitrage mais solidaire d’un boîtier, intégrant tous les éléments de la borne interactive, placé dans un châssis solidaire du vitrage ;