Limitation de brevet : un tiers peut-il contester la décision de l’INPI qui accepte la limitation du brevet demandée par son titulaire ?

Limitation de brevet : un tiers peut-il contester la décision de l’INPI qui accepte la limitation du brevet demandée par son titulaire ?

C’est à cette question que répond par la négative la Cour de Paris dans son arrêt du 30 mars 2011.

Rappelons que la limitation de brevet  est prévue par l’article L 613-24 :

Article L613-24

Le propriétaire du brevet peut à tout moment soit renoncer à la totalité du brevet ou à une ou plusieurs revendications, soit limiter la portée du brevet en modifiant une ou plusieurs revendications.

La requête en renonciation ou en limitation est présentée auprès de l’Institut national de la propriété industrielle dans des conditions fixées par voie réglementaire.

Le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle examine la conformité de la requête avec les dispositions réglementaires mentionnées à l’alinéa précédent.

Les effets de la renonciation ou de la limitation rétroagissent à la date du dépôt de la demande de brevet.

Les deuxième et troisième alinéas s’appliquent aux limitations effectuées en application des articles L. 613-25 et L. 614-12.

Une limitation qui étendrait la portée initiale du brevet constituerait un cas de nullité du brevet en application de l’article L 613-25

Article L613-25

Le brevet est déclaré nul par décision de justice :

a) Si son objet n’est pas brevetable aux termes des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19 ;

b) S’il n’expose pas l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter ;

c) Si son objet s’étend au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d’une demande divisionnaire, si son objet s’étend au-delà du contenu de la demande initiale telle qu’elle a été déposée ;

d) Si, après limitation, l’étendue de la protection conférée par le brevet a été accrue.

Si les motifs de nullité n’affectent le brevet qu’en partie, la nullité est prononcée sous la forme d’une limitation correspondante des revendications.

Dans le cadre d’une action en nullité du brevet, son titulaire est habilité à limiter le brevet en modifiant les revendications ; le brevet ainsi limité constitue l’objet de l’action en nullité engagée.

La partie qui, lors d’une même instance, procède à plusieurs limitations de son brevet, de manière dilatoire ou abusive, peut être condamnée à une amende civile d’un montant maximum de 3 000 euros, sans préjudice de dommages et intérêts qui seraient réclamés.

 

Que la limitation intervienne lors  d’une procédure en contrefaçon est donc expressément prévue.

En pratique, que peut faire celui contre lequel le brevet est opposé et qui peut croire le brevet ainsi mieux affuté après limitation pour le lui opposer ?

C’est sans doute la problématique à laquelle a été confrontée TEISSEIRE.

TEISSEIRE est poursuivie  par ROUTIN en contrefaçon d’un brevet français sur une boisson aromatisée.  Reconventionnellement, TESSEIRE demande la nullité du brevet.

ROUTIN demande à l’INPI une limitation de son brevet, limitation finalement accordée. Lors de cette procédure TEISSEIRE a fait des observations.

La question posée à la Cour : ce recours de TEISSEIRE contre la décision de l’INPI est –il recevable au regard des textes précités ?

Le rejet du recours est fondé essentiellement sur l’expression  de l’article L 613-25 : « Le brevet est déclaré nul par décision de justice :  ….d) Si, après limitation, l’étendue de la protection conférée par le brevet a été accrue »,

Pour la Cour, la demande faite par TEISSEIRE ne peut être examinée que dans le cadre d’un appel d’une décision du Tribunal statuant sur une demande en nullité du brevet et non dans le cadre du recours contre une décision administrative du Directeur de l’INPI, décision de  l’ institut que la Cour qualifie de non -juridictionnelle.

A noter également, l’argument relevé sur l’absence de grief de cette décision de délivrance pour déclarer irrecevable le recours de TEISSEIRE : si le brevet nouvellement rédigé avait étendu la portée du titre initialement accordé, il y aurait là un nouveau moyen pour demander la nullité du dit brevet.