La limitation de brevet une nouvelle fois tenue en échec avec l’arrêt du 21 mars 2012 de la Cour de Paris pour insuffisance de description

La limitation de brevet  une nouvelle fois tenue en échec.

7 avril 2000 : dépôt d’une demande de brevet français intitulée « procédé de réalisation d’une pièce à très hautes caractéristiques mécaniques mise en forme par emboutissage, à partir d’une bande de tôles laminées et notamment laminées à chaud et revêtue ». Ce brevet a été délivré.

Son titulaire, la société ArcelorMittal,  opposant par différents courriers son brevet à la vente des feuilles d’acier de la société Voestalpine, cette dernière l’assigne en nullité du brevet .

2 octobre 2009 : jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris

  • rejette l’insuffisance de description invoquée par Voestalpine,
  • annule les revendications 1, 2 et 7 pour défaut de nouveauté au regard d’une demande de brevet européen publié le 12 janvier 2000 et intitulé « tôles d’acier laminée à chaud et à froid et présentant une très haute résistance après traitement thermique »
  • et annule les revendications 3,  4, 5 et 6 pour défaut d’activité inventive.

16 avril 2010 : la limitation des revendications du brevet est accordée par l’INPI sur la requête de ArcelorMittal .

En appel :

–           ArcelorMittal  invoque ses revendications limitées pour demander la réformation du jugement.

–          Voestalpine demande à la Cour d’annuler le brevet pour  insuffisance de description y compris dans sa forme limitée.

La Cour va effectivement annuler le brevet pour insuffisance de description.

Différents motifs sont invoqués, deux retiennent l’attention.

  • Le rapport de l’institut Max Planck :

Considérant que, pour illustrer sa thèse selon laquelle les insuffisances de la description sont telles que l’homme du métier, tel que précédemment défini, se trouve dans l’impossibilité d’exécuter l’invention, la société Voestalpine verse au débat un rapport de l’Institut Max Planck dont les conclusions, exactement reproduites dans le jugement, indiquent: « A une température du four de 1.100° C ou à une température de la tôle supérieure à 1.000° C, tous les revêtements en zinc des tôles d’acier ont été détruits, c’est-à-dire les tôles d’acier électrozinguées comme celles galvanisées au trempé ayant des épaisseurs de 1 à 2 mm. Le revêtement de la tôle d’acier galvanisée au trempé de 2 mm d’épaisseur a même brûlé dans le four de la société Hofmann dès une température de 900°C seulement. La destruction ou non de la couche dépend donc, outre l’épaisseur de la tôle et la composition de la couche de zinc, non seulement de la température du four mais aussi des caractéristiques du four à moufle lui-même, par exemple du profil d’écoulement, c’est à dire de la cinétique de l’apport d’oxygène pour l’oxydation de la vapeur de Zn. » ;

Considérant que ce rapport regroupe les résultats des essais dans un tableau montrant les tôles avec les différentes conditions d’essais et décrivant succinctement la surface de la tôle après l’essai; que ce tableau donne à voir que, sur un total de 24 expériences, 8 ont abouti à un résultat négatif, les tôles ayant brûlé.

Considérant, au contraire de ce que relève le jugement, que tous les essais ont été réalisés dans des conditions conformes à celles du brevet; que le rapport précise: « les paramètres proches des limites de plages ayant délibérément été ignorés, par exemple environ 1200°C., couches de zinc très minces et températures inférieures à la température d’austénitisation. Le MPI (i.e. Institut Max Planck) a proposé des séries d’essais dans la plage de température de 800 à 1. 100°C et une épaisseur de couche de zinc de 15 um »

….

Considérant, en conclusion, que la société Voestalpine souligne à juste titre qu’une description dont la forme préférentielle ne permet d’obtenir le résultat prétendu qu’une fois sur trois ne répond pas à la condition de suffisance de description »

  • La révocation par l’OEB du brevet européen demandé sur la priorité du brevet français

Considérant enfin qu’il n’est pas indifférent de relever que le brevet EP 1 143 029, déposé, sous priorité du brevet français FR 0004427 en cause, a été révoqué, pour insuffisance de description, par décision de la chambre des recours de l’Office Européen des Brevets du 18 août 2011 qui a relevé que ce brevet n’indiquait aucun exemple ni aucune valeur pour huit caractéristiques mentionnées dans la description, à savoir: la résistance à l’abrasion, la résistance à l’usure, la résistance à la fatigue, la dureté du revêtement avant la trempe, les qualités de lubrifiant du revêtement, la déformabilité de l’acier, la dureté de l’acier et du revêtement après la trempe et la résistance à la rupture, et que, pour 14 paramètres, il n’est donné aucune valeur ou une plage de valeurs excessivement large, qu’il en est ainsi notamment pour la composition de l’acier formant la tôle, le pourcentage en zinc du revêtement de l’acier, les différentes températures de l’étape d’élévation de température, les durées de l’application de ces différentes températures, les vitesses d’augmentation de la température ;

Que la Chambre des recours de l’OEB en a ainsi conclu que, pour exécuter l’invention, l’homme du métier était confronté à un véritable programme de recherche représentant un effort excessif, révélateur d’une insuffisance de description

D’où la Cour de Paris :

…au vu des motifs qui précèdent que cette conclusion doit être également retenue en ce qui concerne le brevet français FR 00 04427 ; que celui-ci, par voie d’infirmation du jugement entrepris seulement quant à la validité du brevet, sera annulé pour insuffisance de description par application des dispositions de l’article L.613-25, b) du code de la propriété intellectuelle ;