La demande en limitation de brevet impose-t-elle au juge de suspendre le déroulement de l’instance en contrefaçon ?

La loi ouvre très largement la possibilité pour le titulaire du brevet de limiter son titre. Quand cette demande en limitation intervient lors du procès en contrefaçon, le juge saisi a-t-il l’obligation de sursoir à statuer  ?

Illustration avec l’ordonnance du 21 mars 2014 du Juge de la Mise en Etat de la 3ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris.

  • La chronologie

3 août 1994 : dépôt du brevet européen  n° 0 714 351 sous priorité d’une demande de brevet américain du 11 août 1993 et publié le 23 décembre 1998 dénommé Feuille stratifiée élastique comprenant une bande fibreuse non tissée étirée de manière incrémentielle et un film élastomère, et procédé de fabrication.

C…. qui est propriétaire du brevet, accorde une licence à A…..

1er août 2007 : fin de la licence.

C…. considère que A….  exploite toujours l’invention.

14 novembre 2011 : C….  fait procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de A….  et de T….

14 décembre 2011 : assignation par C…..de A …. et de T……  en contrefaçon des revendications 1 à 3, 5,13 à 15 et 17 du brevet.

13 décembre 2013 : C ……. demande au juge de sursoir à statuer.

  • La cause et les arguments de cette demande de sursis présentée par le titulaire du brevet.

…dans le cadre d’une action similaire qu’elle a initié en Allemagne contre les mêmes défenderesses, la juridiction allemande a décidé oralement de prononcer l’annulation des revendications 1 à 17 de la partie allemande du brevet en cause.  Elle ajoute qu’elle a dès lors présenté le 9 décembre 2013 une requête en limitation de la partie française de ce brevet devant l’INPI, qui par décision notifiée le 9 janvier 2014  a considéré que cette requête n’était pas conforme aux articles L.613-24 et R.613-45 du Code de la propriété intellectuelle.

Elle estime que, un délai de deux mois lui ayant été imparti pour répondre aux objections de l’lNPI, il doit être sursis à statuer jusqu’à la décision du Directeur de l’INPI relativement à la requête en limitation et le cas échéant à l’expiration du délai de recours ou en cas de recours jusqu’à la décision définitive qui sera rendue, ou subsidiairement jusqu’à l’inscription du Registre National des brevets de la décision de l’!NPI.

  • Le juge de la Mise en Etat va suivre l’argumentation des sociétés en défense qui s’opposent à cette demande de sursis.

Il n’est pas contesté que la loi ne prévoit pas qu’un sursis à statuer doit être prononcé quand une requête en limitation a été déposée, de sorte qu’il est dans ce cas facultatif, étant en ce cas motivé par une bonne administration de la justice.

Or, comme l’indiquent à juste titre les sociétés défenderesses, la décision attendue sur cette requête de la part du Directeur général de l’lNPI devrait intervenir dans les semaines qui viennent, ce qui rend inutile le sursis demandé.

En outre, il y a lieu de tenir compte de la date d’expiration prochaine du brevet opposé.

Dès lors, il n’apparaît pas souhaitable de faire perdurer une procédure ouverte il y a plus de deux ans, et le sursis à statuer ne sera pas ordonné.

Par ailleurs, les défenderesses ayant été dans l’obligation de répondre aux conclusions de la demanderesse et de plaider à l’audience d’incident, il leur sera alloué la somme globale de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

One thought on “La demande en limitation de brevet impose-t-elle au juge de suspendre le déroulement de l’instance en contrefaçon ?

  1. Je ne vois pas bien en quoi l’expiration prochaine du brevet justifie l’absence de sursis. De même, le fait qu’une décision sur la requête en limitation soit prévue à très court terme pourrait, au contraire, plaider en faveur d’un sursis qui ne retarderait pas tant que ça la fin de la procédure.

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