Qui mesure ? Qui utilise les outils ? Nous, c’est qui ?

Une société condamnée pour contrefaçon par la Cour d’appel saisit la Cour de cassation.

L’arrêt du 5 juillet 2017 rejette le pourvoi. Des nombreuses questions soulevées, celle de la validité du constat de l’huissier s’agissant d’un brevet intitulé « train d’atterrissage à patins pour hélicoptère » retient l’attention, puisque ses constatations nécessitent des « mesures » des trains d’atterrissage pour « déterminer le matériau et les dimensions des tubes les composant à l’aide d’outils ». L’arrêt du 5 juillet est .

Qui mesure ? Qui utilise les outils ? Nous, c’est qui ?CASS 5 JUILLET 2017

  • Des mesures effectuées par une autre personne que l’huissier comme le montrent les photographies 

1°/ que l’excès de pouvoir de l’huissier de justice qui méconnaît les limites de sa mission entache le procès-verbal de saisie-contrefaçon de nullité ; que pour écarter le moyen de nullité tiré de ce que l’huissier de justice n’avait pas, lors de la saisie-contrefaçon, procédé personnellement à certaines mesures, contrairement aux termes de l’ordonnance qui autorisait l’huissier à mesurer les trains d’atterrissage argués de contrefaçon et déterminer le matériau et les dimensions des tubes les composant à l’aide d’outils présents sur place ou apportés, la cour d’appel a énoncé que l’huissier avait précisé à la fin de son procès-verbal avoir lui-même effectué les constatations assisté par deux techniciens sans que les sociétés B……. apportent aucun élément probant contraire et que rien n’indiquait dans le procès-verbal que les mesures n’avaient pas été effectuées par l’huissier mais par l’expert ; qu’en statuant de la sorte sans s’expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait, relevé par les premiers juges, que les photographies prises sur les lieux montraient que les mesures avaient été effectuées par une deuxième personne aidant l’huissier de justice, lequel s’était borné à constater le résultat de ces mesures qu’il n’avait pas personnellement effectuées, de sorte que les photographies du procès-verbal lui-même démontraient que certaines mesures avaient été effectuées par une autre personne que l’huissier, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle ;

  • L’emploi par l’huissier du pronom personnel « nous « 

2°/ qu’il résulte de l’article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle, selon lequel l’huissier de justice peut le cas échéant être assisté d’experts, que, s’il n’est pas interdit à l’huissier de transcrire, en tout ou partie, lors de la saisie, la description technique faite par l’expert qui l’assiste régulièrement dans ses opérations, il appartient à l’huissier de distinguer clairement dans son procès-verbal ce qui relève de ses constatations personnelles et ce qui relève des constatations de l’expert ; qu’après avoir constaté que l’huissier de justice était assisté d’experts lors de la saisie, que l’auteur de la réalisation des constatations était identifié, dans le procès-verbal de saisie, par le pronom personnel à la première personne du pluriel, « nous », l’emploi du pronom personnel à la première personne du singulier étant réservé aux opérations ayant précédé la description proprement dite, et que la description comportait l’emploi de termes techniques, d’ailleurs empruntés au brevet, la cour d’appel devait en déduire que le procès-verbal de saisie ne permettait pas de faire le départ entre les constatations personnelles de l’huissier et celles des experts, ce qui entachait le procès-verbal de saisie de nullité ; qu’en rejetant au contraire la demande de nullité du procès-verbal de saisie, la cour d’appel a violé l’article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ qu’en énonçant que, dans la description des éléments structurels du train d’atterrissage, l’huissier de justice avait employé « des termes d’appréhension simple » puis en faisant état de l’emploi par l’huissier de « termes techniques issus du brevet », la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction qui la prive de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;

  • Ce que dit la Cour de cassation

Mais attendu, d’une part, que la cour d’appel a retenu que l’assistance purement matérielle des experts sous son contrôle, lors de l’exécution par l’huissier des mesures, n’est pas de nature à vicier ses propres opérations ; qu’elle est en outre réputée avoir adopté les motifs non contraires des premiers juges qui, après avoir relevé que les photographies prises sur les lieux montraient que les opérations de mesures avaient été effectuées par une deuxième personne aidant l’huissier de justice et énoncé la relation des opérations de mesurage faite par celui-ci dans son procès-verbal, ont retenu qu’il apparaissait ainsi que l’huissier de justice avait constaté la mesure autorisée, et ce, conformément aux dispositions de la requête, et que le fait qu’il avait été aidé par un expert l’assistant pour tenir le fil à plomb n’était pas de nature à établir que celui-ci avait outrepassé sa mission d’assistance ;

Attendu, d’autre part, qu’ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que le terme « nous » avait été utilisé par l’huissier de justice pour la relation des opérations de constatation, lesquelles avaient été effectuées en présence des techniciens de la société B……., de ses représentants et des experts, dont il avait été autorisé à se faire assister, tandis que le terme « je » l’avait été dans les actes de signification de la requête et de l’ordonnance et de clôture du procès-verbal de saisie-contrefaçon, la cour d’appel a pu en déduire que, s’agissant d’une formulation usuelle, l’emploi du terme « nous » n’était pas de nature à établir que l’huissier de justice n’avait pas procédé lui-même aux opérations de saisie-contrefaçon avec l’assistance des experts ;

Et attendu, enfin, qu’ayant relevé que l’huissier instrumentaire avait, concernant la description des éléments structurels du train d’atterrissage, employé des termes simples et retenu que ses opérations avaient nécessairement été précédées d’une prise de connaissance du brevet lui permettant d’effectuer ses opérations, la cour d’appel a pu, sans se contredire, considérer que, dans ces circonstances, l’emploi par l’huissier de termes techniques issus du brevet n’était pas de nature à établir qu’il n’avait pas lui-même effectué ses opérations ;