La procédure de limitation du brevet devant l’INPI ne permet pas un examen de la brevetabilité et de la suffisance de description

Le lecteur se rappelle l’arrêt  de la Cour de cassation du 19 mars 2013, il est ici,   qui avait cassé l’arrêt de rejet de la Cour de Paris du recours de SYNGENTA LIMITED contre le refus du Directeur de de l’INPI de limiter la partie française de son brevet. Cet arrêt de la Cour de cassation a d’ailleurs été rappelé sur ce blog, il y a quelques jours à propos de l’arrêt de la Cour de Paris du 11 septembre 2013, ici.

Le 25 octobre 2013, la Cour de Paris a rendu son arrêt après la cassation.

Cet arrêt de la Cour de Paris est très important. D’une part,  il ouvre plus largement l’accès à la limitation du brevet. D’autre part, il laisse en suspend le débat sur la suffisance de description.

Les faits sont rappelés sous l’arrêt du 19 mars.

La Cour de Paris annule la décision du directeur de l’INPI.

  • Au préalable, le Directeur de l’INPI a maintenu sa position

une description suffisante est la contrepartie nécessaire au monopole conféré par le titre,

– la modification sollicitée consiste à introduire dans la composition un second principe actif figurant parmi plus de 180 produits ou familles de produits présentant les structures chimiques et les activités les plus diverses,

la description contenant cette liste de produits potentiellement associables au composé dérivé d’acide propénoïque, telle quelle sans précision sur leur action, leurs dosages, sans exemple, n’est pas suffisante,

cette simple liste ne réalise pas une description suffisante permettant à l’homme du métier de réaliser l’invention objet de l’invention telle que modifiée,

– la description ne divulgue donc pas de manière directe et sans ambiguïté la composition objet de la revendication modifiée de sorte que tout le travail de recherche est encore devant l’homme du métier,

– l’objet de la modification modifie l’objet de la revendication initiale car la seule utilisation  du terme ‘comprenant’ n’a pas pour effet d’inclure les composés éventuellement associés à l’invention dans l’objet de la revendication car cela aurait pour conséquence que l’objet de la revendication initiale : composition comportant un dérivé d’acide propénoïque et n’importe quelle autre substance active, serait indéterminée et indéterminable, ce qui, contrairement aux dispositions de l’article 69 de la convention de Munich n’assurerait pas une protection équitable au titulaire du brevet et un degré raisonnable de certitude aux tiers,

  • La motivation de l’arrêt du 25 octobre 2013 pour annuler la décision du Directeur de l’INPI

La revendication 8 délivrée est ainsi rédigée : ‘composition fongicide comprenant une quantité efficace du point de vue fongicide d’un composé suivant la revendication 1 et un support ou diluant acceptable du point de vue fongicide pour ce composé’.

La revendication 8 selon la demande de modification est ainsi libellée : ‘composition fongicide comprenant une quantité efficace du point de vue fongicide d’un composé suivant la revendication1″, ladite composition comprenant un autre composé doué d’activité biologique choisi par le groupe consistant de :

* un composé fongicide choisi parmi le groupe consistant de : suivi d’une liste descriptive,

* un insecticide choisi parmi le groupe consistant de : suivi d’une liste descriptive,

* un composé régulateur de croissance des plantes choisi parmi le groupe consistant de : suivi d’une liste descriptive.

La composition fongicide telle que mentionnée dans cette revendication est précisée dans la description du brevet, en pages 29 à 30, la page 29, lignes 48 à page 30 ligne 42, comme suit ‘Les compositions de la présente invention peuvent contenir d’autres principes doués d’activité biologique ; par exemple des composés ayant une activité fongicide similaire ou complémentaire ou possédant une activité régulatrice de croissance des plantes, herbicide ou insecticide’.

Dès lors la revendication 8 indépendante porte sur une composition comprenant un premier principe actif de formule potentiellement associé à un second principe actif et à un support ou diluant acceptable du point de vue fongicide.

L’invention couvre non seulement le composé objet de cette invention mais toute association utilisant ce principe actif avec n’importe quelle substance décrite dans le brevet.

En effet, la description mentionne en page 19 à 25 de la description ‘par l’incorporation d’un autre fongicide, la composition peut acquérir un plus large champ d’activité que le composé de formule générale (I) seul. En outre, l’autre fongicide peut produire un effet synergique sur l’activité fongicide du composé de formule générale(I). Des exemples de composés fongicides qui peuvent être inclus dans la composition de l’invention sont : et s’ensuit 87 lignes de citations de composés fongicides’.

La demande tendant à ce que la composition mentionnée en termes généraux ci-dessus dans la revendication 8, soit limitée à la présence obligatoire d’un second principe actif tel que figurant dans la description du brevet et particulièrement sur une liste précise des autres principes activités biologiques, en limitant son périmètre, constitue une limitation sans en changer l’objet.

Cette limitation est donc supportée de manière directe et sans ambiguïté par la description initiale précitée, reprise mot à mot, et qui a donc été divulguée.

  • La position de la Cour de Paris sur l’examen de la brevetabilité et  de la suffisance de description lors de la procédure en limitation

L’examen de la brevetabilité ou de la suffisance de description ne ressortit pas à celui de l’examen de la procédure en limitation, alors que l’homme du métier, en toute hypothèse, qui est un laborantin de préparation de la combinaison décrite, à la lumière de la description et dont les éléments lui sont connus de par son activité n’a pas à effectuer un travail de recherche en ce qui concerne les dosages habituels d’utilisation.

Cette limitation est donc exclusive de tout élargissement des faits de contrefaçons et d’atteinte à la protection des tiers.

Il convient en conséquence, d’annuler la décision de monsieur le Directeur général de l’INPI du 6 mai 2010 en ce qu’elle a rejeté la requête en limitation du brevet EP 90300779.