Saisie-contrefaçon annulée pour confusion entre demande de brevet et brevet délivré : les motifs de la rétraction devant le juge du fond ou bien devant le juge qui a accordé la requête ?

Différents motifs peuvent conduire à l’annulation de la saisie-contrefaçon.

Ceux qui conduisent à la rétractation de l’ordonnance peuvent-ils être présentés devant le juge du fond ?

Réponse avec l’arrêt de la Cour de Paris du 21 janvier 2017.

Disons le tout de suite, la saisie-contrefaçon est annulée, car la requête qui l’a autorisée visait une revendication de la demande  de brevet bien que le brevet délivré l’ait modifiée.

L’examen de la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon

  • La position du titulaire du brevet : le nullité ne peut être demandée que par le référé rétractation

Considérant que la SARL ……. soutient que la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon ne pouvait être demandée que par le biais d’un référé rétractation dans la mesure où la SAS ……. ne conteste pas le déroulement des opérations mais conteste la présentation du brevet FR 2 ………..  qui est faite dans la requête ;

Qu’à titre subsidiaire elle soutient que le moyen de nullité est mal fondé puisque la requête visait expressément le brevet délivré dont une copie figurait en annexe et que la saisie-contrefaçon a dès lors été requise sur le brevet tel que délivré et non sur la demande de brevet et qu’elle n’était tenue par aucun texte de citer in extenso les revendications du brevet qu’elle estimait contrefaites ;

Qu’elle ajoute que la présentation de la requête aux fins de saisie-contrefaçon était dépourvue de tout caractère frauduleux et la SAS …… ne pouvait se méprendre sur les droits qui lui étaient opposés ;

Qu’elle ajoute encore que l’huissier de justice n’a pas dépassé la mission qui lui était conférée par l’ordonnance en décrivant les faux-plafonds correspondant aux produits litigieux couverts par son brevet ;

  • La position de la société contre laquelle la saisie est opposée, qui développe la différence de rédaction de la revendication entre la demande de brevet et le brevet délivré

Considérant que la SAS …… conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon qui est fondée sur la demande de brevet et non sur le brevet tel que délivré, la requête s’appuyant exclusivement sur des pièces relatives à des lisses alors que celles-ci ne sont plus couvertes par le brevet tel que délivré qui protège un faux-plafond lumineux ;

Qu’elle fait ainsi valoir que la requête en saisie-contrefaçon a été demandée et l’ordonnance délivrée sur la base d’un titre n’étant plus en vigueur, ce qui entraîne la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon ;

Qu’elle ajoute que l’huissier de justice a excédé ses pouvoirs en décrivant les dalles alors que l’ordonnance ne l’autorisait pas à effectuer de saisie-description d’un autre produit que les lisses ‘…… . et ‘ …… ‘ arguées de contrefaçon ;

  • Ce qui dit la Cour de Paris

Considérant ceci exposé, que les dispositions de l’article 496 alinéa 2 du code de procédure civile ne font pas obstacle à ce que le juge du fond, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, puisse annuler un procès-verbal de saisie-contrefaçon pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l’ordonnance sur requête ;

Que dès lors la SAS …… est bien recevable à demander dans le cadre de l’instance au fond, la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 24 octobre 2012 pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l’ordonnance ayant autorisé cette saisie-contrefaçon ;

Considérant sur le fond que si le requérant n’est pas tenu de reproduire le texte des revendications du brevet qu’il invoque, dès lors qu’il le fait, il doit citer le texte exact de la revendication du titre qui lui a été délivré ;

Que comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, le requérant expose dans sa requête que la revendication principale de son brevet est caractérisée en ce que les lisses fixées sur les parois d’un local et sur lesquelles est tendue la toile du faux-plafond, sont caractérisées par la présence d’un élément profilé comportant à ses parties supérieure et inférieure des moyens d’accrochage permettant d’assurer le maintien sous tension de deux éléments de toile superposés ;

Qu’il demande ainsi que l’huissier de justice soit autorisé à procéder à la constatation de la fabrication, la détention et l’offre en vente de lisses arguées de contrefaçon de son brevet et référencées ‘ …… ‘ et ‘ …… ‘ ;

Mais considérant que la SARL …… a en réalité cité dans sa requête le texte de la revendication telle que figurant dans la demande de brevet et non pas le texte de la revendication 1 telle que délivrée qui ne protège plus la structure de la lisse mais simplement un faux-plafond caractérisé par l’existence d’éléments d’éclairage entre les deux toiles constituant ce faux-plafond ;

Que c’est à juste titre que les premiers juges en ont conclu que la présentation inexacte, dans la requête, de la protection conférée par la revendication, même si le brevet délivré était joint en annexe, affecte l’objet même des mesures autorisées par l’ordonnance et, par voie de conséquence, la validité de la saisie-contrefaçon ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a prononcé l’annulation des opérations de saisie-contrefaçon du 24 octobre 2012 ;

Cette saisie annulée conduit à une condamnation indemnitaire

  • Pour la société qui a contestée la saisie, celle-ci a porté sur des éléments non prévus par l’ordonnance

Considérant que la SAS …… demande à la cour de porter à 100.000 euros le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour saisie-contrefaçon abusive en faisant valoir que par ce biais la SARL …… a pu avoir accès et obtenir des photographies d’un  prototype de dalle de son principal concurrent sans aucun rapport avec les produits sur lesquels devait porter la saisie-contrefaçon selon les termes de la requête et de l’ordonnance ;

Qu’elle réclame en outre la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en soutenant que la présente procédure n’a été introduite que dans le seul but de lui nuire et qu’en relevant appel du jugement la SARL …… ne fait que réaffirmer le caractère abusif de son action, persistant ainsi dans sa volonté de nuire à ses intérêts et de porter atteinte à sa réputation ;

  • Le titulaire du brevet distingue à nouveau la compétence du juge de la rétractation de celle du juge de la contrefaçon

Considérant que la SARL …… réplique que son action ne présente aucun caractère abusif et que les allégations de la SAS …… relève du simple procès d’intention ; qu’elle conclut au débouté de la SAS …… de ce chef ;

Qu’elle conclut également à l’infirmation du jugement entrepris qui l’a condamnée pour saisie-contrefaçon abusive en soulevant l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la SAS …… de ce chef au motif que les critiques formulées à l’encontre de la requête ne pouvaient l’être que dans le cadre d’une procédure de référé-rétractation ;

Qu’elle ajoute qu’en tout état de cause elle a agi en toute bonne foi en présentant cette requête aux fins de saisie-contrefaçon et que la SAS …… ne rapporte la preuve d’aucun préjudice ;

  • La Cour écarte à nouveau l’alternative de compétence

Considérant ceci exposé, qu’il a été exposé précédemment que la SAS …… était recevable à soulever la nullité des opérations de saisie-contrefaçon et qu’elle est donc tout aussi recevable à présenter une demande en dommages et intérêts pour saisie-contrefaçon abusive ;

Que c’est par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que la SARL …… a agi avec une légèreté blâmable en faisant référence dans sa requête à la revendication initiale et non pas à la revendication de son titre tel que délivré, amenant l’huissier à procéder à la recherche de lisses dont les références étaient expressément mentionnées dans la requête et l’ordonnance, et de documentation sur l’exploitation commerciale de telles lisses pourtant insusceptibles de caractériser, à elles seules, une contrefaçon ;

Qu’il sera ajouté que bien que n’ayant pas trouvé ces lisses, l’huissier a néanmoins poursuivi ses opérations en procédant à une saisie-description des dalles alors que l’ordonnance ne l’autorisait à constater que ‘la fabrication, (.) la détention, (.) l’offre à la vente et/ou de la vente des lisses incriminées de contrefaçon’ ;

Considérant que ces faits, par leur caractère particulièrement intrusif, ont causé à la SAS …… un préjudice notamment moral et qu’au vu des éléments de la cause, les premiers juges ont fait une exacte évaluation du préjudice ainsi subi à la somme de 10.000 euros et que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la SARL …… à payer à la SAS ladite somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par cette saisie-contrefaçon fautive ;

  • Mais l’action en contrefaçon n’est pas jugée abusive

Considérant en revanche que la SARL …… a pu légitimement se méprendre sur la portée de ses droits en engageant la présente instance et en usant des voies de recours prévues par la loi, qu’il n’est pas démontré qu’elle aurait ainsi fait dégénérer en abus son droit d’ester en justice ; qu’en conséquence la SAS …… sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs ;

 

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