Procès en contrefaçon de brevet à Paris, saisie-contrefaçon en Belgique

Dans l’attente de la Juridiction Unifiée du Brevet, le contentieux de la contrefaçon de brevet est classiquement territorial par Etat où le brevet européen est en vigueur. Mais des éléments de preuve obtenus dans un autre Etat sont-ils recevables ?

L’arrêt de la Cour de Paris du 29 septembre 2017 examine une saisie effectuée en Belgique.

  • Très brièvement un résumé succinct des faits et de la procédure

B …. , une société belge détient un brevet européen intitulé «  procédé et appareil de manipulation de gaz lourd » et  désignant la France.

B ….  assigne T….., une société française en contrefaçon de son brevet.

Le Tribunal de grande instance de Paris rejette les demandes en nullité du brevet et les demandes en contrefaçon.

Pendant la procédure d’appel, B….. fait procéder à une saisie en Belgique.

  • Les passages ci-dessous reproduits de l’arrêt du 29 septembre 2017 se limitent aux débats sur cette saisie effectuée en Belgique

Considérant que postérieurement au jugement dont appel, et le 15 février 2016, la société B……. a été autorisée par le président du tribunal de commerce francophone de Bruxelles à faire procéder à une saisie-description dans les locaux de la faculté des sciences de Namur d’une table …  et ….  de la société T….. ; qu’un expert a été désigné à cette fin selon la procédure belge, les opérations de saisie ont eu lieu le 24 février 2016 et un rapport a été établi le 9 mars 2016 ;

Que la société T…… conteste la validité des opérations de saisie-contrefaçon ainsi réalisées en Belgique en vertu de l’ordonnance du 15 février 2016 aux motifs que la mesure a été autorisée par un juge incompétent au regard du litige en cours, seul le Premier Président de la cour d’appel de Paris étant alors selon elle compétent pour l’ordonner, et à défaut entend voir écarter des débats les pièces 31 et 32 produites par la société Barré ;

Qu’en réplique la société B…. fait valoir que la société T…. ne justifie d’aucune base légale qui permettrait au juge français de prononcer la nullité de l’ordonnance rendue par le juge belge et de la saisie-contrefaçon subséquente réalisée en Belgique en vertu d’une ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Bruxelles et que les juridictions françaises ne peuvent remettre en cause la compétence du juge belge en l’espèce dès lors que l’ordonnance bénéficie d’une reconnaissance automatique sur le territoire français en vertu de l’article 36 § 1 et du Règlement n°1215/2012, ajoutant que la compétence du juge belge pour ordonner une saisie-contrefaçon sur base d’un brevet étranger résulte également de l’article 35 du Règlement 1215/2012 ;

Considérant ceci exposé, que l’intimée ne sollicite pas la nullité de l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Bruxelles le 15 février 2016 mais la nullité des opérations de saisie-contrefaçon réalisées sur la base de cette ordonnance au motif que la mesure a été ordonnée par un juge incompétent au regard du litige en cours devant la cour d’appel de Paris ;

Considérant cependant, à supposer que la cour soit compétence pour annuler des opérations de saisie autorisées par une juridiction étrangère, que l’article 958 du code de procédure civile ne peut limiter la compétence d’une juridiction d’un autre Etat membre de l’Union Européenne et entraîner en l’espèce l’incompétence des juridictions belges pour ordonner, sur le sol belge et en application du droit belge, une saisie-conservatoire ; que dès lors la saisie-contrefaçon obtenue le 15 février 2016 par la société B….  en Belgique ne doit pas être annulée ; que le rapport du 9 mars 2016 ne doit pas plus être écarté des débats dès lors qu’il constitue un élément de preuve des faits de contrefaçon allégués soumis à l’appréciation de la cour ;

  • Ces constations effectuées en Belgique sont invoquées à l’appui de la contrefaçon en France.

Considérant que les opérations de saisie-contrefaçon réalisées en cours de procédure d’appel le 9 mars 2016 à l’Université de Namur en Belgique révèlent que les gaz échappés du caisson retombent vers le bas, dans la table aspirante où ils sont aspirés, mais aucunement l’établissement d’une dépression périphériquement au haut du caisson avec aspiration de gaz lourd s’échappant par le haut du caisson ; que la mesure de pression effectuée entre l’environnement ambiant et certains points de la table ne démontre pas plus l’établissement d’une dépression telle que revendiquée par le brevet EP 481 dès lors que la dépression a été constatée non pas à la périphérie au haut du caisson lui-même mais à côté du caisson, dans la table, que le phénomène soit ou non la conséquence de la circulation d’air reliée au renouvellement de l’air aspiré dans le volume de la table ;

La contrefaçon est à nouveau rejetée.